Lundi 22 septembre 2025, le théâtre du Châtelet acclame et chante son héros. L’enthousiasme de la soirée se diffuse jusqu’à près de 350 kilomètres de Paris. Le Stade Rennais vient de devenir le sixième club français formateur d’un Ballon d’Or, grâce au sacre d’Ousmane Dembélé (28 ans). Il place un nouveau point cardinal sur une carte du football français à six villes : Angers (Kopa), Nancy (Platini), Valenciennes (Papin), Cannes (Zidane), Lyon (Benzema) et Rennes désormais. Dans ses remerciements, l’attaquant du PSG n’a pas manqué de saluer le club où il a « tout appris ».

Ousmane Dembele a reçu son Ballon d’Or après sa saison exceptionnelle avec le PSG le lundi 22 septembre 2025.Ousmane Dembele a reçu son Ballon d’Or après sa saison exceptionnelle avec le PSG le lundi 22 septembre 2025. (Photo Franck Fife/AFP)

Un peu plus tôt dans la soirée, Désiré Doué (20 ans), autre joyau du centre de formation est distingué dans le top 15 du Ballon d’Or (14e) et par une deuxième place au Trophée Kopa, récompensant le meilleur jeune joueur de la saison. « Ça valorise notre politique, celle de former les joueurs pour éclore ensuite en équipe première et grandir dans les plus grands clubs européens. Le travail paie », se félicite Denis Arnaud, directeur du centre du Stade Rennais depuis 2020, sur le site du club.

Dans le top 5 des clubs formateurs en Europe

Deux joueurs, deux générations et un constat : Rennes sait y faire avec les jeunes talents. Pas un hasard si le club a été récompensé, en 2025, du titre de meilleur centre de formation de France par la Fédération française de football, pour la troisième saison de rang, et qu’il se place régulièrement dans le top 5 européen des clubs formateurs.

« On a toujours été parmi les meilleurs, avec Lyon et Paris, se souvient Antoine Guiziou, défenseur de 29 ans formé au club. Dans mes années, on était toujours au-dessus des autres en Bretagne. En U15, il y avait la coupe nationale, à Clairefontaine, où on représente sa région. Il y avait toujours huit joueurs du Stade Rennais sur les treize du groupe. »

« Ça fait près de ans qu’il est considéré comme un des meilleurs centres, ajoute Gaël Danic, formé au club et passé professionnel en 2000. C’est plus facile de recruter des jeunes quand vous avez déjà un actif ou une aura. Si vous avez Rennes ou Dijon, vous allez à Rennes. »

Les secrets de cette réussite tiennent à un budget conséquent et à une méthodologie de repérage et de recrutement rigoureuse mise en place par un homme, Patrick Rampillon, directeur du centre entre 1987 et 2015, selon Laurent Schmitt. « Entre le repérage, la transmission d’infos et l’activation du processus, c’est fluide. Ça va vite, alors que dans d’autres clubs, c’est long. Et c’est le temps qui fait perdre un joueur. Aujourd’hui, le bon joueur va à Rennes », confirme l’agent de joueurs breton.

« Il faut savoir faire des kilomètres »

Bien implanté dans la capitale bretonne, le Stade Rennais ne peut se satisfaire de son bassin de population et sait profiter de sa proximité avec l’Ile-de-France, devenu ces dernières années le plus grand vivier de jeunes footballeurs au monde. C’est de cette manière que le club a pu attirer et faire émerger des Sylvain Wiltord, Yann M’vila, Abdoulaye Doucouré, Mathys Tel ou encore… Dembélé. « Il faut savoir faire des kilomètres, abonde Michel Jarnigon, ancien recruteur pour le PSG en Bretagne. Eux, ils n’avaient pas de problème pour être présents un 25 décembre sur un tournoi à l’autre bout de la France. Ils n’ont jamais dévié de leur politique sportive : aller chercher les bons et très bons jeunes. »

« La situation géographique nous a aidés, reprend Patrick Rampillon. Rennes est maintenant à 1 h 30, 2 h de Paris. On est arrivé à développer nos arguments de recrutement tout en évitant d’éloigner le jeune de sa famille. » C’est aussi là qu’entre en ligne de compte le budget du club alloué au centre de formation, pour trouver un emploi ou un logement aux parents de jeunes joueurs repérés si nécessaire. Pas un problème pour les équipes de François-Henri Pinault, actionnaire majoritaire du club, classé dans les dix plus grosses fortunes françaises.

Des éducateurs qui « respirent le foot »

Une fois le diamant brut extrait, il faut aussi savoir le polir. Et le Stade Rennais peut se targuer d’avoir compté en ses rangs de brillants ouvriers. Ces dernières années, Julien Stephan, Régis Le Bris, Mathieu Le Scornet ou encore Franck Haise ont tous démontré leurs compétences au plus haut niveau, après avoir travaillé au Stade Rennais au XXIe siècle. Avant eux, Landry Chauvin, Philippe Bizeul et Yves Colleu ont aussi marqué des générations. « Les jeunes sont tellement bien encadrés par les éducateurs », s’enthousiasme Sylvain Wiltord, l’une des premières stars issues de l’académie. « Il fallait des garçons qui respirent le foot, qui savent ce qu’est le talent, avec une approche pédagogique pour les faire grandir, les mettre en confiance et les aider à performer », reprend Patrick Rampillon.

Désiré Doué sous le maillot du Stade Rennais, en mars 2024.Désiré Doué sous le maillot du Stade Rennais, en mars 2024. (Photo Vincent Le Guern)

Le fruit de ce travail collectif a permis à Rennes de rattraper Lyon, référence dans la formation française qui, de son côté, a cédé du terrain, en proie à des difficultés financières. Mais l’utilisation de ces talents différencie encore les deux clubs français. Alors que Lyon a pu profiter de ses pépites (Cherki, Fékir, Benzema, Lacazette, Tolisso…) Rennes touche ses limites dans le domaine. « Quand leur niveau sportif dépasse celui du Stade Rennais, il est normal qu’ils partent. Désiré Doué ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui s’il était resté au Stade Rennais », tranche Schmitt.

Mais dans un avenir proche, le club n’entend pas s’éloigner de ce qui fait son prestige, avec l’agrandissement de son centre de performance, à La Piverdière, pour un coût total de 40 millions d’euros et dont la livraison est prévue à l’été 2026. Reste à huiler la passerelle pour en profiter pleinement.