Chirurgien cardiaque expérimenté, Jean-Philippe Grimaud a choisi de bousculer les évidences. À 62 ans, il jongle entre la salle d’opération et les chantiers de plomberie, avec un CAP en poche.
Chirurgien cardiaque reconnu à la clinique Saint-Augustin de Bordeaux, Jean-Philippe Grimaud, 62 ans, peut troquer dans la même journée sa blouse de médecin contre une salopette de plombier. Si, depuis près de vingt ans, il maîtrise les gestes précis du bloc opératoire, il s’est aussi perfectionné dans le maniement de la clé à molette et autre furet.
Une double vie insolite qui commence en 2018. Un problème domestique banal devient le point de départ de cette aventure inattendue. «J’avais besoin d’un plombier pour des problèmes de tuyauterie et j’avais des vraies difficultés à en trouver un en urgence. J’ai toujours été entouré d’amis bricoleurs, et puis j’avais un peu cette vocation avec mon grand-père qui était armurier, et mon arrière-grand-père serrurier… Alors j’ai commencé à faire les choses moi-même, et puis je me débrouillais pas mal !», sourit le Bordelais.
En cherchant à se perfectionner, Jean-Philippe découvre qu’il existe des formations accessibles, et notamment des cours pratiques, dans le cadre du CAP du lycée professionnel de Blanquefort. Piqué par la curiosité, il décide de franchir le pas. «Initialement, je n’avais pas du tout l’idée de me professionnaliser. Mais je voulais être sûr que je ne faisais pas de bêtises quand je faisais les choses par moi-même. Je suis allé à quelques cours pratiques, puis j’ai finalement passé le CAP en candidat libre, et je l’ai eu !», raconte-t-il. «J’ai acheté une voiture pour les déplacements et je me suis équipé avec tous les outils nécessaires.»
«Au départ, on m’a un peu pris pour un fou»
En novembre 2018 naît donc la microentreprise «Grim’eau». Les matinées de Jean-Philippe sont souvent consacrées aux interventions médicales les plus délicates, mais, l’après-midi venu, il part prêter main-forte sur des chantiers ou dépanner des particuliers. « Au niveau administratif, au départ, on m’a un peu pris pour un fou… J’avais contacté le Conseil de l’Ordre et le portail des microentrepreneurs. Et puis finalement, j’ai été autorisé à coupler les deux activités» admet-il, amusé.
«Dans les trois ans qui ont suivi, le rythme était effréné. Je trouvais ça surréaliste qu’on m’appelle en tant que plombier, ça m’amusait beaucoup ! Très vite, j’ai commencé à faire des installations chez certains de mes collègues de l’hôpital et puis le bouche-à-oreille a fait que l’on m’appelait tous les jours. Le personnel avait besoin de changer une chasse d’eau, un robinet… J’ai commencé à faire des dépannages, et puis de fil en aiguille, je me suis retrouvé sollicité en permanence», se souvient le docteur.
Jean-Philippe Grimaud, lors d’une intervention en chirurgie cardiaque.
Jean-Philippe Grimaud (collection personnelle)
S’il a aujourd’hui un peu baissé le pied, ses interventions restent régulières dans la métropole bordelaise. Une double vie qui en fait sourire plus d’un à l’hôpital. «On s’est rendu compte que j’étais très utile, et il y a eu une grosse vague de sympathie envers moi et envers mes deux activités.» Pour Jean-Philippe Grimaud, qui rappelle la «pénurie» du secteur de la plomberie en France, ce mélange des genres n’est pas qu’un passe-temps original : il s’agit aussi d’une certaine philosophie de vie. «Je me suis toujours dit qu’il faut constamment se remettre en question. L’idée de partir à 180 degrés dans un autre domaine… J’adore ça. J’aime apprendre et découvrir. La plomberie, ça me permet de m’évader. Quand j’ai commencé, je voulais faire passer un vrai message à mes enfants : on a beau être un papa de 56 ans… ça n’empêche pas de se remettre en question et de faire des choses qu’on n’aurait jamais imaginé faire.»
Alors, peut-on y voir un lien entre les deux métiers ? La réponse est non, selon le docteur Grimaud, spécialiste des lésions des artères coronaires. «Les deux activités n’ont rien à voir, mais on reste dans le domaine de la tuyauterie !», conclut-il avec humour.