Publié le
1 oct. 2025 à 8h04
Le flot de paroles est inarrêtable et l’expertise pointue. Vendredi 19 septembre 2025, actu Paris s’est attablée avec Aaliyah Xpress, drag-queen et médecin gériatre à Paris. Veste en jean branchée et coupe impeccable, Duy – son prénom au civil, a la trentaine. Et malgré deux activités (très) prenantes, la mine est radieuse. « Tout est une question d’organisation », rit aux éclats celui qui est convaincu que dans quelques années « on écoutera du Jul en Ehpad ». En attendant que Chikita résonne dans les enceintes des maisons de retraite, Aaliyah Xpress lipsync (fait du playback, ndlr) sur des discours de Valérie Pécresse et des passages choisis de Sexe, mensonges et banlieues chaudes, le livre érotique de Marlène Schiappa.
« Le drag, c’est underground »
« Le drag, ce n’est pas ce qu’on voit à la télé. C’est underground. Ce sont des filles qui apprennent à faire leur tenue sur une machine à coudre Lidl, qui commencent à performer dans des bars miteux avec des robes achetées chez Forever21 », plante d’emblée Aaliyah Xpress. Lui a commencé « il y a sept ou huit ans » après avoir découvert comme beaucoup l’émission Drag Race sur une obscure chaîne américaine.
« Ma première fois en drag, c’était à la Mutinerie pour un concours de lipsync », rembobine-t-il. À ses débuts, c’est un ami qui le maquille. Puis Duy apprend à sculpter son visage en regardant des tuto sur YouTube. Ce qui l’anime ? La créativité sans limite, la liberté et la possibilité de faire passer des messages politiques.
Loin des plateaux de Drag Race France, le drag est pour Duy une activité impossible à réaliser à plein temps, « à moins d’organiser des bingos et des karaokés de Noël dans les entreprises… Mais même ça, ça reste saisonnier ! »
« Ma place dans la société c’est de faire en sorte que les gens aillent mieux »
Ça tombe bien puisque Duy est également médecin. Au quotidien, il s’attelle à ce que les personnes âgées puissent rester en bonne santé le plus longtemps chez elles. « Ce qui m’intéresse c’est l’approche d’un individu dans sa globalité, dans son parcours, son histoire pour pouvoir adapter les soins et respecter ses choix », argumente l’ancien hospitalier. Une mission loin des paillettes mais pas si opposée.
« Dans mes deux activités, la notion de justice sociale est fondamentale », livre-t-il. « Que ce soit sur scène ou au travail, ma place dans cette société c’est de faire en sorte que les gens aillent mieux. »
Et si ses deux univers ne se mêlent pas tout à fait – Duy préfère ne pas dévoiler l’institution pour laquelle il officie, les frontières sont poreuses. « En tant que médecin, je peux transmettre mes connaissances sur des problèmes comme la transphobie médicale », avance-t-il. « Je peux expliquer les recommandations internationales, les droits des patients, ce qu’ils peuvent attendre des médecins ou au contraire les signaux d’alerte qui font que ce soignant n’est pas celui qu’il leur faut », liste le Parisien.
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Sous le drag, la lutte
Avec d’autres queen asiatiques à l’instar de Kitty Space, Aaliyah Xpress a créé le collectif Rice queers. « Notre objectif est de montrer la diversité de notre drag. Puisqu’on est asiatiques, on nous confond et le public pense qu’on fait la même chose », déplore notre interlocuteur dont les parents ont fui les guerres civiles du Vietnam et du Cambodge dans les années 1970. Victime de racisme, Duy milite contre la fétichisation et l’appropriation culturelle en partageant, sur ses réseaux et sur scène ses combats.
C’est là aussi qu’Aaliyah Xpress performe sur des discours de Valérie Pécresse et des passages du livre de Marlène Schiappa. « J’ai une obsession malsaine pour les femmes politiques de droite. Je pense qu’elles tirent contre leur camp parce que la droite n’en a rien à faire des femmes à part pour les utiliser. Ce sont des personnages qui sont tellement absurdes dans leurs discours. Comment oublier le passage de Valérie Pécresse qui se retrousse les manches pour déloger Ciotti du siège des LR ? Ou encore la séquence ahurissante où Isabelle Balkany attend Patrick à sa sortie de prison ? »
« Elles me font penser aux personnages dans les films d’Almodovar, au bord de la crise de nerfs », s’amuse-t-il. « Mon drag, je l’aime absurde, dramatique mais aussi sexy et séduisant. Je peux commencer une performance burlesque en faisant du pole danse et terminer en incarnant Isabelle Balkany en pleurs devant la prison de la Santé. »
Pour découvrir l’univers d’Aaliyah Xpress rendez-vous ce mercredi 1er octobre à l’occasion de la viewing party de Drag Race Philippines à la Food Society, dans le 14e arrondissement de Paris. Elle sera également sur scène vendredi 10 octobre au Moxy (11e arrondissement).
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