Quand elle a peint cette idée, il y a 20 ans, alors qu’elle était élève à l’Académie des Beaux-Arts de Namur, Mara a inventé son art, son cadre. « Comme je n’avais pas de quoi acheter des toiles de peinture, je me suis mise à en fabriquer, je me suis servie de mon expérience de la couture. J’ai pris quatre bois, j’ai récupéré des morceaux de tissus inutilisés et je les ai assemblés, en les tendant plus ou moins. Du jean, de la soie, etc. » Mais aussi des trous, des lacérations, des formes qui ressemblent à des fossiles. Après avoir repoussé les limites, l’artiste polyvalente et multi-disciplinaire avait à l’époque réalisé une série de quatre grands formats (1 m sur 1 m) et dix petits formats (70 cm sur 70 cm) mais ce premier jet reste son coup de cœur.

Sans titre, sans suite, jusqu’à l’hiver passé

C’est peu dire qu’avec ses bouts de ficelle, la jeune vingtenaire avait été folle de joie en apprenant, au printemps 2006, qu’elle allait mêler son œuvre à une prestigieuse expo-vente au Crillon, le palace parisien. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu et Mara n’a jamais retrouvé son bébé, tout de même estimé à 2 000-2 200 €. Pas de nouvelles jusqu’à l’hiver passé: le fantôme s’est rappelé à l’artiste. « Je fournissais de la laine dans un magasin quand on m’a demandé s’il existait des articles de presse présentant mon travail. J’ai fait une recherche à mon nom sur Google et je suis tombée sur cette annonce sur leboncoin.fr. » Effarant. Naturellement, le vendeur – qui avait tout de même, quelques années plus tôt, contacté Mara pour obtenir un certificat d’… authenticité, sans suite – était de bonne foi: il avait acheté l’objet de manière régulière. Mais il n’était pas plus tendre en affaires pour la cause. Et les 500 € qu’il demandait, Mara ne les avait pas. « J’ai ouvert une cagnotte en ligne, mes amis et connaissance ont contribué à très vite atteindre le montant. Comme le vendeur ne voulait pas s’occuper du transporteur, mon ex-compagnon a pris un week-end et est allé la chercher à Caen avec Basile, notre fils. Ils en ont profité pour faire les plages du Débarquement. « 

Des bouts de soi

Soulagement pour Mara et, au-delà, toute la famille. Depuis que la toile avait refait surface, il y avait une certaine tension. « Franchement, c’est bien de la voir à la maison après toute cette histoire. », souffle Basile, 14 ans.

Quant à Mara qui n’a plus peint depuis un petit moment, ça lui donne des envies. Cette toile qu’elle n’a finalement jamais vendue. « Je n’aurais pas de souci à le faire, honnêtement cette fois. Mais j’aimerais exposer cette toile avec la série que j’avais réalisée à l’époque, pour la remettre dans son contexte. Ce serait chouette pour tous les gens qui ont mis un peu d’argent pour que je puisse la racheter. Elle leur appartient un peu à tous. »

Concernant les escrocs ayant monté l’événement, ils n’en étaient pas à leur coup d’essai et plusieurs victimes ont intenté une action en justice, qui suit son cours.