La bande de lycéens rappelle ceux de “La Folle Journée de Ferris Bueller”. Disponible en intégralité sur Madelen, la plateforme de l’INA, la série réjouit toujours, trente-cinq ans après sa naissance, par son insolente inventivité.
Au centre : Parker Lewis, joué par Corin Nemec. INA
Publié le 01 octobre 2025 à 12h52
Mis à jour le 01 octobre 2025 à 13h00
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C‘était un temps où les années 90 n’étaient pas encore à la mode, elles se contentaient d’être. Parker Lewis, héros espiègle et bon esprit, arborait — au premier degré — des chemises bariolées très hip-hop et rivalisait, avec ses copains, d’inventivité geek pour échafauder ses mensonges en équilibre instable — sans téléphone portable ! Guest-star du pilote, Milla Jovovich avait l’âge de porter des socquettes et, la nostalgie n’étant pas qu’un sport de vieux, la fête du lycée avait pour thème… les années 80. Le risque était grand que déterrer la série pour ados, trente-cinq ans après son lancement, suscite le même intérêt qu’un chewing-gum fossilisé sous un bureau d’écolier. Sauf que la création de Clyde Phillips (à qui on devra plus tard Dexter mais aussi Nurse Jackie) et de son coscénariste Lon Diamond s’empare des codes du genre pour mieux chambouler l’exercice. Foncièrement burlesque (l’hommage aux Marx Brothers est limpide), voire volontiers absurde, la sitcom américaine réenchante son décor de lycée et ses figures archétypales en révélant tout leur potentiel fantasmagorique. Rien d’étonnant à ce que Parker Lewis ne perd jamais soit citée comme référence adorée par Bill Lawrence, qui sut si bien, avec Scrubs, émulsionner le délire latent du quotidien d’un service hospitalier.
« Quel niveau de dinguerie pouvons-nous atteindre tout en continuant quand même à raconter une histoire ? » Ainsi Clyde Phillips résume-t-il l’idéal qui tenaillait, à l’époque, son équipe. Caméra embarquée, effets de montage et quatrième mur dynamité : truffée de tentatives expérimentales, Parker Lewis ringardise bien des productions contemporaines engluées dans leur conformisme. En bonus, on savoure son goût du clin d’œil, depuis la reproduction du Cri de Munch, affichée dans le bureau de la très fumasse proviseure, jusqu’aux nombreuses références au septième art — comble de la connivence cinéphilique, les parents de Parker Lewis tiennent un vidéoclub… Logique pour une série inspirée de La Folle Journée de Ferris Bueller, sorti en 1986, et plus encore de Trois Heures, l’heure du crime, autre comédie adolescente des mêmes années. Las, en saison 3, l’esprit frondeur de Parker en prendra un coup, de l’aveu même des créateurs : pressés par la chaîne d’élargir leur audience, ces derniers sont incités à moins d’exubérance et plus de romance — l’implacable équation de l’affadissement…
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Aujourd’hui, le casting entièrement blanc ne manque pas de sauter aux yeux et les plans sur les jambes des pom-pom girls ont tôt fait de lasser — notons, tout de même, en guise de contrepoint, ce conseil de Parker à son acolyte Mickey : « Ne l’embrasse pas tout de suite, on est dans les années 90, faut pas la bousculer. » Mais le temps qui passe offre aussi l’occasion de saisir une dimension oubliée : au-delà des clichés et des vannes, cette défense vaillante de l’amitié et de la solidarité qui soutient la série. Derrière les pirouettes potaches, quelque chose qui ressemble à une authentique tendresse.