À Lviv, le 27 septembre, l’alliance ukrainienne New Energy of Ukraine et la pépite française Prométhée Earth Intelligence ont signé un accord pour déployer une constellation de petits satellites d’observation. Objectif : doter l’Ukraine d’un accès souverain, rapide et soutenu aux données d’imagerie, cruciales pour la conduite des opérations, l’alerte et la reconstruction.
Une industrie spatiale qui grandit en Ukraine
Le projet met sur pied un consortium national côté ukrainien, une plateforme numérique unifiée pour agréger des flux multiples et une architecture modulaire pour faire grandir l’industrie sur le territoire. Les partenaires promettent une fréquence d’observation jusqu’à cent fois supérieure à celle de Copernicus. Un tel saut de cadence changerait l’échelle de la connaissance de situation : surveillance des axes logistiques, suivi des frappes et des dégâts, cartographie des mines et des obstacles.
Sur le financement, Kyiv cherche un montage qui combine appui français et contributeurs européens ou alliés. Les équipes ont déjà entamé des échanges avec le Fonds européen de défense (FED), le NATO Innovation Fund et plusieurs gouvernements. Elles ont également rencontré Airbus pour verrouiller les spécifications qui fixeront la structure de coûts. À terme, le ministère ukrainien de la Défense veut devenir premier client des capacités spatiales nationales afin d’ancrer la filière et de réduire la dépendance aux flux externes.
Cette coopération s’inscrit dans une trajectoire politique désormais claire. En mars, le ministère de la Défense a créé une direction de la politique spatiale pour fédérer acteurs publics, privés et académiques. Les autorités fixent un cap : ériger des Space Forces d’ici au 31 décembre 2025, puis déployer d’ici 2030 des satellites nationaux dédiés à la défense, à l’alerte aérienne et à la surveillance de l’environnement spatial. Au-delà du militaire, elles visent déjà des retombées civiles : agriculture, énergie, déminage et reconstruction d’infrastructures. En un mot, Kyiv veut sécuriser un flux d’imagerie à haute revisite sous contrôle national et structurer un écosystème new space capable de durer après-guerre.
Prométhée–Skynopy : une chaîne capteur–sol souveraine validée
Prométhée, fondée en 2020, apporte des briques déjà éprouvées. Son démonstrateur ProtoMéthée, lancé en novembre 2023 sur plateforme NanoAvionics, a livré en mars 2025 ses premières images via la station Skynopy du Cap (Afrique du Sud). En deux semaines, l’équipe a intégré son segment sol au réseau mondial de Skynopy et a récupéré l’ensemble des données dès le premier passage. Les deux start-up y voient une première opérationnellement souveraine pour une chaîne d’imagerie capteur–sol européenne, réactive et sécurisée. Elles ont aussi signé un accord de long terme : Skynopy déploiera deux nouvelles stations à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie d’ici 2026 ; Prométhée utilisera ces services pour réduire les latences et augmenter la disponibilité des fenêtres de descente.
Prochaine étape : Japetus, une constellation de 20 nanosatellites d’environ 50 kg, fabriqués par Hemeria, qui vise des revisites proches de 40 minutes. Les charges utiles multispectrales et hyperspectrales et l’IA embarquée permettront de déclencher, analyser et diffuser des prises de vue quasi en temps réel. Les premiers déploiements s’échelonnent de mi-2026 à début 2028. En parallèle, Prométhée porte une offre 100 % française dans France 2030 avec 13 partenaires (dont Airbus, Safran, Thales) et propose des configurations « à la carte » pour les États qui veulent internaliser une capacité d’imagerie.
Pour l’Ukraine, s’adosser à cette brique déjà en rodage accélère le calendrier : sécuriser un service souverain et hautement réactif, poser les fondations d’une capacité spatiale durable au service de la défense et de la reconstruction, tout en s’appuyant sur l’excellence de l’écosystème spatial français (CNES, maîtres d’œuvre, new space toulousain) capable d’intégrer capteurs, plateformes, segment sol et traitement de données pour délivrer des solutions à haute revisite réellement opérationnelles.
Image © Hemeria