Elles ne se connaissaient pas en arrivant, elles sont reparties après avoir échangé leurs numéros de téléphone et la promesse de se déplacer jusqu’au terrain de jeu de l’autre. L’internationale italienne de rugby Sara Tounesi, toute nouvelle joueuse des Lionnes, et la hockeyeuse, capitaine des Boxers, Lou Pierrot ont vite brisé la glace ce mercredi matin 1er octobre à l’Eductive Campus.
Elles ne sont pas les seules pour qui cela a « matché » spontanément, car toutes avaient beaucoup à partager lors de la toute première conférence de presse commune des clubs féminins de haut niveau de la métropole bordelaise.
L’idée, initiée par le collectif TogetHer, lui-même porté par l’association L’Arène des héroïnes : réunir autour d’une même table cinq clubs phares, soit les Lionnes du Stade Bordelais (rugby, Élite 1), les Louves de Saint-Delphin (basket, Nationale 1), les Burdis (volley, Ligue A), les Boxers (hockey sur glace, Élite B) et l’Union Saint-Bruno (water-polo, Élite Première Division).
Cinq sports, une voix
Cinq maillots différents, mais une même voix finalement pour partager leurs réalités, résumées par Natacha Pauillac, l’une des chevilles ouvrières du projet avec Delphine Benoit, Paul Bouffard et Séverine Vanleene : « On a autant de palmarès que les hommes, mais pas les mêmes moyens, ni les mêmes investissements. »
« On a autant de palmarès que les hommes, mais pas les mêmes moyens, ni les mêmes investissements »
Cela ne les empêche pas de nourrir des ambitions élevées, sur le terrain. Triples championnes de France en titre, les Lionnes visent le quadruplé avec un effectif renouvelé dans ce qui s’appelle désormais l’AXA Élite 1. « Mais le plus dur au plus haut niveau, c’est de confirmer », a fait remarquer Emma Couderc, arrivée, comme Tounesi, de Montpellier cet été.
Les rugbywomen des Lionnes Sara Tounesi et Emma Couderc sont reparties avec des maillots des hockeyeuses des Boxers.
Laurent Theillet / SO
Qualifiées pour les play-offs de la Saforelle Ligue Power 6 dès leur accession à ce niveau, les volleyeuses des Burdis espèrent être « stables et reconnues comme un club qui dispute régulièrement les play-offs », a fixé leur coach Guillaume Condamin. Les Louves (ex-Ambitieuses) viseront le top 5 de la Nationale 1 et une montée en Ligue 2 dans les deux ans. Tristan Colaco, l’entraîneur des poloïstes de l’Union Saint-Bruno, annonce clairement l’objectif de monter sur le podium en championnat et Coupe de France.
Plus récentes dans le paysage – l’équipe a été relancée il y a quatre ans –, les Boxers aimeraient monter en poule A (le plus haut niveau) « pour pérenniser le hockey féminin à Bordeaux ».
Réalité économique difficile
Mais toutes ces ambitions se heurtent à une réalité économique difficile hors du terrain. Et à des disparités au sein même de ce collectif. Difficile de comparer les Burdis, passées d’un budget de 280 000 euros en 2019, à 550 000 euros en 2023 pour atteindre 1,1 million d’euros pour la saison à venir avec une structure, novatrice, en SCIC SAS qui rassemble une trentaine de sociétaires, avec les Boxers dont le principal poste budgétaire est celui des déplacements (9 000 euros). « La quête des partenaires financiers est un combat de tous les instants », souligne Valérie Hull, la directrice générale des Burdis.
Elles le reconnaissent : difficile de demander davantage aux collectivités locales : « 23 % de notre budget de 500 000 euros proviennent des subventions et surtout, la commune met un gymnase (Élisabeth-Riffiod à Villenave-d’Ornon, NDLR) à notre entière disposition, je chéris cette chance », confirmait le président de Saint-Delphin Frédéric Tauzin.
Les infrastructures sont une autre problématique du sport féminin bordelais. Les hockeyeuses n’ont qu’un créneau d’entraînement à elles à la patinoire de Mériadeck, les poloïstes de Saint-Bruno doivent composer avec les travaux de la piscine Judaïque. « Pas facile de communiquer avec quelqu’un qui est sous l’eau, au son des perceuses », souriait leur coach Tristan Colaco.
Visibilité en progression
Malgré ces obstacles, la visibilité du sport féminin progresse, timidement. « Avant, il y avait 150 personnes à nos matchs, maintenant on est entre 500 et 800 », fait remarquer la capitaine des Louves, Amélie Guillon. Les Burdis ont rempli plusieurs fois le Palais des sports la saison dernière, elles vont coupler un de leurs matchs avec l’une des rencontres des championnes de France de Ligue féminine, Basket Landes.
Caroline Duval, référente du hockey féminin, a vu les mentalités évoluer dans un « milieu macho » et constate que le mondial à Angers a offert un « gros coup de projecteur » avec une patinoire remplie pour du hockey féminin.
En s’unissant pour faire parler d’elles, les sportives bordelaises espèrent inventer un modèle plus collaboratif, pour prouver que « Bordeaux est une place forte du sport féminin ».