Est-ce une façon d’espérer calmer la grogne des cortèges syndicaux partout dans le pays ce jeudi 2 octobre ? Si le mot d’ordre de la mobilisation «Bloquons tout» du 10 septembre, auquel s’est ajouté celui des forces syndicales lors d’une première journée le 18 septembre et encore ce 2 octobre, peut sembler parfois large et imprécis, nul doute qu’il tourne autour de la notion de «justice fiscale». L’économiste Gabriel Zucman et sa taxe de 2 % sur les grandes fortunes en sont devenus des figures et des symboles importants.
Alors toujours en pleines négociations pour tenter de former un gouvernement – après tout de même 23 jours d’atermoiements, un record sous la Ve République – Sébastien Lecornu a choisi ce jour pour enfin transmettre à l’AFP quelques orientations budgétaires sur la fiscalité, dont on ne sait à cette heure, s’il s’agit seulement de ballons d’essai ou d’arbitrages plus ou moins définitifs.
Le Premier ministre réfléchirait ainsi au rétablissement de la prime Macron sur le «partage de la valeur», qui peut être exonérée d’impôt et de cotisations sociales. Facultative pour les entreprises, cette prime avait connu un franc succès en 2023, mais était moins sollicitée depuis qu’elle a été défiscalisée en 2024.
L’exécutif met aussi sur la table, de façon générale, des baisses des prélèvements pour les salariés. «Le fait de vivre de son travail et le reste à vivre demeurent une des premières préoccupations des Français», est-il fait valoir à l’AFP. «Rien n’est encore arbitré», souligne son entourage, mais le locataire de Matignon regarde différentes mesures comme «une défiscalisation et un allègement des charges sociales» sur les heures supplémentaires.
Dans un entretien au Parisien la semaine dernière, où il a fermé la porte à plusieurs demandes de la gauche et des syndicats sur la taxe Zucman sur les hauts patrimoines, le rétablissement de l’Impôt sur la fortune (ISF) ou la suspension de la réforme des retraites, Sébastien Lecornu avait néanmoins affirmé que «certains impôts augmenteront» et «d’autres diminueront». Il avait dit lundi à ses alliés du centre et de la droite du «socle commun» qu’il ferait des «propositions» de baisse d’impôts «notamment en faveur du travail». Sébastien Lecornu réfléchit par ailleurs à une mesure «encourageant» les transmissions aux petits-enfants et aux jeunes.
En revanche, les déclarations ce jeudi sur de possibles réductions d’impôts ont semé la confusion. Les proches du Premier ministre avaient dans un premier temps déclaré à l’AFP vouloir diminuer l’impôt sur le revenu pour les couples payés chacun au smic. Selon Matignon, si un salarié au salaire minium ne paie pas d’impôt quand il est seul, les couples où chacun est dans ce cas peuvent l’être. Ce qu’aurait envisagé le Premier ministre, c’est «d’annuler l’impôt» payé par ces couples et de le ramener à «comme s’ils étaient seuls». Si cela peut avoir un sens en théorie, l’AFP rappelle que dans les faits, un couple où chacun est payé au smic ne paie pas souvent d’impôts quand il a des enfants ou bénéficie d’autres déductions.
Dans un second temps, l’entourage de Lecornu a donc précisé auprès de l’agence que la mesure viserait plutôt les couples payés «légèrement» au-dessus du Smic. L’objectif est ainsi «d’alléger leur montant d’impôt», voire de «l’annuler pour tous ceux en entrée de barème» afin qu’ils soient «traités» fiscalement comme des célibataires, argumente Matignon.
Les socialistes, qui seront reçus une nouvelle fois à Matignon vendredi matin, réclament entre autres une baisse ciblée de la contribution sociale généralisée (CSG). Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a estimé ce jeudi que les propositions présentées par Sébastien Lecornu pour les salariés à bas revenu sont «très en deçà» des attentes des socialistes, tout en assurant vouloir «donner sa chance» au Premier ministre avant sa rencontre avec lui. «C’est sûr qu’il vaut mieux faire quelque chose en direction des salariés plutôt que rien, mais la réalité, c’est que c’est très en deçà de ce que nous attendons», a déclaré le patron socialiste avant le départ de la manifestation parisienne à l’appel de l’intersyndicale.
Mise à jour : à 15 h 46, avec la nouvelle déclaration de Matignon sur les réductions d’impôts.