Patauger dans son appartement inondé est une chose. S’embourber dans les matières fécales en est une autre. Les habitants d’un immeuble de Villenave-d’Ornon ont vécu cet enfer samedi 27 septembre. Le parking souterrain de la résidence Be Side, située route de Toulouse, était déjà inondé depuis le 14 août. La situation a dégénéré quand une eau saumâtre et nauséabonde a surgi des douches du rez-de-chaussée.
Amandine a compté les seaux d’un litre : « 450 dans cet appartement, 225 dans celui-ci. » Jusqu’à suinter par les joints. Avec son frère, cette locataire a prêté main-forte aux sinistrés. « Cela nous était arrivé en février. Des voisins avaient été là pour nous aider. » Trois heures à éponger, entre deux haut-le-cœur. À Be Side, on se serre les coudes. Pas le choix.
Étang marron
Depuis sa construction, en 2018, la résidence connaît régulièrement des problèmes d’inondations. Fin 2023, des flots d’eau avaient déjà envahi le parking. « Cela arrive trois ou quatre fois par an », évaluait une résidente, à l’époque. Un problème de pente sur le réseau d’assainissement public avait été identifié. Mais le remplacement du collecteur n’a, manifestement, pas tout réglé. « Cela joue sur la santé mentale, explique Amandine. Au réveil, ma première pensée est de vérifier si l’appartement n’est pas inondé. Le soir, en rentrant du travail, je me demande si je vais pouvoir me doucher. »
Les eaux usées sont remontées dans les appartements du rez-de-chaussée par les douches.
Habitants de la résidence / DR
Dans le week-end, les habitants ont coupé l’eau pour ne pas se retrouver submergés. Une entreprise spécialisée, missionnée par le syndic, est venue pomper, curer et nettoyer en début de semaine. Les conduites sont de nouveau en eau. Et un fort ruissellement se fait de nouveau entendre au sous-sol. « C’est du provisoire. De leur propre aveu, ce sera de nouveau inondé dans quelques jours », précise une habitante, devant les restes d’une flaque marron à l’odeur fétide.
« Cela joue sur la santé mentale. Au réveil, ma première pensée est de vérifier si l’appartement n’est pas inondé »
La veille encore, une vingtaine de mètres carrés du parking étaient engloutis sous un mélange d’eau de lessive, d’urine et d’excréments. « Je vous laisse imaginer l’odeur », élude Blandine, une résidente. « Et cela dure. Des mouches pondent dans les voitures », image Éléa, une autre locataire.
Environ un quart des places de parking ne sont plus utilisables.
Habitants de la résidence / DR
Silence du syndic
Mardi 30 septembre matin, foulard sur le nez, une huissière est venue constater l’état du cloaque. « J’ai aussi pris un avocat. C’est lancé. Et je ne lâcherai pas le morceau », explique Hervé Houdard. Le retraité est révolté par la situation de son locataire. Le propriétaire a appris le pot aux roses de sa bouche, et non de Sergic, le syndic de copropriété. De quoi ajouter à sa colère.
Dans cet immeuble, occupé quasi exclusivement par des locataires, le cas n’est pas isolé. « Le propriétaire de mon appartement n’avait jamais entendu parler de ces problèmes non plus, livre une résidente. Quand je lui ai appris, il s’est dit prêt à se joindre à une action collective. »
Le silence du syndic a soudé les habitants. Ils s’organisent via un réseau social et lors de réunions de crise, au détour des parties communes. « Quand j’appelle Sergic, maintenant, cela sonne dans le vide. Je me demande s’ils ne m’ont pas bloquée », avance Amandine. L’absence de réponse les a poussés à toquer à toutes les portes. De la mairie à l’Agence régionale de santé.
Affaissement d’un mur porteur
L’allure générale de la résidence a de quoi inquiéter. « Entre l’état des lieux et mon emménagement, une longue fissure est apparue sur un mur », décrit Blandine. Dans la cour, certaines dalles de béton se sont enfoncées d’une dizaine de centimètres. Et les déboires du parking seraient liés à l’affaissement d’un mur porteur sur une descente d’eaux pluviales.
« J’ai aussi pris un avocat. C’est lancé. Et je ne lâcherai pas le morceau »
Une inspection par caméra, réalisée le 29 août à la demande de Sergic, a permis d’arriver à cette conclusion. « Ce dysfonctionnement réduit fortement les capacités d’évacuation, désormais inadaptées au débit des eaux usées de l’immeuble », explique le syndic dans une réponse écrite. « De plus, l’inspection du conduit a révélé la présence de lingettes, litière, bloc WC… Des pratiques inappropriées qui aggravent la situation. »
Dans la cour située au-dessus du parking, des dalles se sont enfoncées d’une dizaine de centimètres.
Y. B.
Le syndic dit avoir procédé à une déclaration dommage-ouvrages auprès de l’assurance. « Une expertise est planifiée le 7 octobre pour confirmer les premières conclusions et déterminer si des investigations complémentaires doivent être réalisées tant dans l’immeuble que sur le réseau public d’assainissement. » La démarche prendra du temps. Sergic va donc mettre en place une station de relevage. D’une capacité de 500 litres, elle doit être installée sous quinze jours pour contenir les eaux usées et « limiter les désagréments ». En attendant, ce mardi, certains habitants n’avaient plus d’eau chaude. Un détail.