Comme c’était prévisible, ils étaient beaucoup moins nombreux ce jeudi 2 octobre dans les rues de Bordeaux à l’appel de l’intersyndicale que les deux fois précédentes. 2 600 manifestants selon la préfecture de Gironde – qui en annonçait plus de 9 000 le 18 septembre – à battre le pavé sous le soleil d’automne, entre la place de la Bourse et celle de la Victoire.
Dans leurs rangs, des visages familiers et les traditionnels drapeaux des principaux syndicats (CGT, FO, CFDT, FSU, etc.) mais aussi des nouveaux manifestants qui illustrent un paradoxe français : alors que le nombre de syndiqués ne cesse de s’éroder, la sympathie pour les syndicats connaît un net regain, désormais perçus comme « un élément de dialogue » par 52 % des Français, en particulier depuis la forte mobilisation contre la réforme des retraites de 2023.
Mobilisation en baisse ce jeudi 2 octobre à Bordeaux mais colère toujours très présente dans les rangs.
Fabien Cottereau / SO
« On ne nous écoute pas »
C’est justement cet événement qui avait décidé Cathy et Yves Laporte, de Pessac, à manifester pour la première fois. Ils étaient encore présents ce jeudi, lui salarié dans le marketing de l’imagerie médicale à la retraite ; elle licenciée économique d’un cabinet d’architectes, tous les deux l’amertume au bord des lèvres dans la foule bordelaise. « On en a ras le bol d’être pris pour des cons, la démocratie devient démocrature, on ne nous écoute pas », martèle Cathy. Pourtant, pour Yves, « pas besoin d’être syndiqué pour être présent ».
En attendant un nouveau gouvernement, le Premier ministre Sébastien Lecornu ciblé par les manifestants.
Fabien Cottereau / SO
Un peu plus loin, Nathalie, qui travaille dans une crèche, incarne cette nouvelle vague d’intéressés. C’est sa première manifestation depuis celle pour défendre la liberté d’expression à la suite des attentats de « Charlie Hebdo » en 2015. Ce qui l’a décidée ? « Cinq jours après avoir perçu mon salaire, je n’ai plus rien. » Non syndiquée, elle observe, elle « potasse ». « Je suis venue voir comment ça se passe, et je vais peut-être y adhérer. Jusqu’à présent, je n’avais pas envie de m’impliquer, par peur que cela me prenne trop de temps. »
Entre pragmatisme et scepticisme
Cette hésitation à franchir le pas, à transformer la sympathie en engagement, est le nœud du problème. De même que la peur des représailles patronales, qui reste un frein majeur pour 31 % des représentants du personnel. Collègue de Nathalie, Claire Bouyssou, secrétaire adjointe CFDT dans la petite enfance, le confirme : « C’est bête mais j’ai attendu d’être titularisée pour me syndiquer, d’avoir une situation professionnelle sécurisée. Je comprends que ça fasse peur à certains. »
« Je suis venue voir comment ça se passe, et je vais peut-être y adhérer »
Tarik, professeur de maths dans un lycée proche du bassin d’Arcachon et syndiqué au Snes depuis vingt-cinq ans, voit dans cette colère un potentiel. « L’école pousse à l’individualisation, on est censés faire société mais on met les élèves en concurrence avec Parcoursup », déplore-t-il.
C’était ce jeudi 2 octobre la deuxième manifestation à l’appel de l’intersyndicale, la troisième après « Bloquons tout ».
Fabien Cottereau / SO
Les syndicats peuvent-ils recréer ce collectif ? Nicolas, jeune doctorant en sociologie, membre du Poing levé et de la CGT est partagé entre la reconnaissance de leur utilité et l’aspiration à des formes d’action plus radicales. « Je suis venu parce que j’ai aimé l’esprit autour de Bloquons tout mais je doute que cela fasse bouger les choses. »