Les manifestants étaient bien moins nombreux ce jeudi 2 octobre, comparé aux journées de mobilisation des 10 et 18 septembre. Dans le cortège, beaucoup estimaient que le mouvement ne pourra se massifier que si une grève plus dure se met en place, pour que les employés sentent qu’elle peut avoir un impact.

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Thibault Vetter

Publié le 2 octobre 2025  ·  

Imprimé le 3 octobre 2025 à 04h00  ·  

Modifié le 2 octobre 2025  ·  

4 minutes

Sur une place de la République bien moins garnie que lors de la mobilisation du 18 septembre, les manifestants se comptent jeudi 2 octobre. L’intersyndicale annoncera tout de même 8 000 personnes, contre 1 500 pour la préfecture. « Les journées de grève en saute-mouton, ça fatigue tout le monde », estime Khalid, ouvrier chez Cuisine Schmidt à Sélestat et syndicaliste à SUD Industrie :

« Nous on était partisans d’une grève sans interruption dés le 10 septembre. Nos collègues nous disent que c’est ce qui les motiverait, pour qu’ils n’aient pas l’impression qu’ils vont perdre une journée de salaire pour rien. »

Des employés de Cuisine Schmidt sont présents dans le cortège.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

Une dizaine d’employés de cette usine ont fait le déplacement jusqu’à Strasbourg. « On doit avoir un peu plus de 50 grévistes pour 1 680 salariés », indique Khalid. « Il y a une vraie colère, explique Joël, aussi employé de Cuisine Schmidt. On fait des mouvements répétitifs qui créent des douleurs, des problèmes d’articulation. Des collègues ont déjà mal aux genoux à 30 ans. Donc quand on nous dit qu’il faut faire des efforts, ça ne passe pas. »

Avoir un impact

Mais selon les deux militants, le mot d’ordre de la mobilisation est devenu moins compréhensible pour celles et ceux qui suivent de loin : « On se bat pour faire pression sur un ministre avant qu’il fasse des annonces, c’est très subtile. Quand on luttait contre la réforme des retraites, il y avait quelque chose de plus concret », remarque Joël.

Les personnes non encartées, les étudiants et les lycéens, sont moins nombreux que le 18 septembre. Les chars des différents syndicats se succèdent, entourés de militants aux gilets colorés. Le cortège a surtout attiré les adhérents les plus investis. La CGT et Force ouvrière ont tout de même rameuté des centaines de personnes chacune. Mais les discussions sur la manière de remobiliser sont fréquentes dans la foule.

La manifestation du 2 octobre a attiré 1 500 personnes selon la préfecture et 8 000 d’après la CGT.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

« En 2023, contre la réforme des retraites, les salariés qui ont fait les 13 jours de grève ont perdu énormément d’argent sans succès. Ça a pu créer une résignation », observe Catherine, éducatrice de rue pour l’Arsea et secrétaire départementale du syndicat de l’action sociale de Force ouvrière :

« Le constat qui traverse l’ensemble du secteur, c’est une précarisation de notre métier, des établissements sans moyens, de plus en plus de difficultés à accompagner les personnes. On voit un grand désir que ça bouge. Mais il faut qu’on ait l’impression que ça aura un impact, avec les dockers, l’énergie, les transports… Je pense qu’une grève générale mobiliserait davantage. »

Catherine Jaegle, secrétaire du syndicat départemental de l’Action Sociale FO 67.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

Les conducteurs CTS hors délai pour se mettre en grève

Justement, les conducteurs de tram et de bus n’ont pas pu se mette en grève ce 2 octobre. « Comme tout le secteur des transports, on doit faire une notification à la direction quinze jours avant le début de la grève. On a appris la date de cette journée de mobilisation trop tard, relate Cédric Chapeau, de la CGT – CTS. C’est à cause d’une loi de 2007 sous Sarkozy, pour la continuité du service public dans les transports. » Du côté de la SNCF, « on s’organise pour avoir toujours un préavis qui court », indique Clément, de la CGT des cheminots.

S’il n’a pas de chiffre de participation, il constate néanmoins que le nombre de grévistes n’est pas suffisant pour arrêter le trafic. « Moi j’en étais à 56 jours de grève d’affilée en 2023. On est quelques collègues à avoir tenu, se souvient t-il. C’est ça qui peut fonctionner pour nous, contrairement aux grèves espacées qui nous coupent les pattes. Dans un mouvement social, il faut de l’élan. » Une dizaine de cheminots acquiescent autour de lui. Joséphine, enseignante à l’école Ampère de la Musau et secrétaire départementale de la FSU, remarque que les avis de ses collègues sont partagés sur la question :

« Évidemment, on se rend bien compte que la pression serait plus grande en cas de grève reconductible. Mais il y en a aussi beaucoup qui craignent que les élèves en pâtissent. Donc il faudrait les convaincre que la mobilisation aurait des impacts positifs à long terme sur les enfants, si on obtient des choses. »

Joséphine Boiteux Decoin, secrétaire départementale FSU 67.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

Colère sociale toujours là

Certains syndicats semblent d’ailleurs peu motivés à œuvrer pour une grève illimitée. « Ce n’est pas le seul moyen, considère Aurélien, assistant social de l’Éducation nationale syndiqué à l’UNSA. C’est sûr qu’à l’échelle nationale, le dialogue social ne fonctionne plus, mais on peut obtenir des petites avancées à l’échelle locale, des postes supplémentaires par exemple. » Mais ces postes « restent souvent vacants, reconnaît-il. Il faut améliorer l’attractivité du métier, et c’est vrai que ça se décide à l’échelle nationale. »

Clément Soubise, CGT cheminots.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

Alors comment peser sur le gouvernement quand le dialogue semble totalement rompu ? Pour Clément, le cheminot de la CGT, les « victoires sociales du Front populaire ou de mai 68 ont eu lieu grâce à des grèves massives et ininterrompues ». On en revient toujours à ça : la création d’un rapport de force réel. « C’est assez difficile à prévoir, la manière dont un mouvement dur peut s’enclencher. Ça dépend de l’ambiance générale. Mais vu la colère sociale, cela pourrait arriver tôt ou tard », analyse t-il.