« Ici, c’est mort maintenant », confie Stéphane* en désignant les échafaudages qui recouvrent les façades et les palissades cachant les anciens commerces de la rue Saint-Michel à Rennes. Barman depuis plusieurs années dans le secteur, il a vu les bistrots fermer les uns après les autres.

Le 1929, l’Aeternam, le Madison, l‘Alex’s Tavern, le Barantic… Ces bars qui ont contribué à la légende de la mythique rue de la soif ont tous baissé le rideau. Et la liste continue de s’allonger. Dernier en date : le Saint-Michel qui a fermé définitivement ses portes ce mardi 30 septembre 2025.

Racheté par la Ville

Ouvert au milieu des années 1990, l’établissement avait résisté aux vagues successives de fermetures. Mais l’immeuble vieillissant a fini par être racheté par Territoires Publics, société en charge du projet de réhabilitation du centre ancien. Les logements situés au-dessus avaient déjà été vidés. L’ensemble sera rénové, avant d’être transformé en un commerce d’un autre type.

C’est vraiment dommage

« Je suis triste pour les étudiants », souffle Alisson Koc, 28 ans, dernière gérante de l’établissement. « Ici, les prix des pintes restaient accessibles. Aujourd’hui, la moitié de la rue est fermée et l’ambiance n’est plus la même. C’est vraiment dommage ».

Réputation

Avec pas moins de 13 bistrots à son apogée, soit un tous les sept mètres, la rue de la soif rennaise était connue il y a quelques années encore comme l’artère la plus dense de France en termes de débits de boissons. Aujourd’hui, plus de la moitié des bars ont disparu. Et d’autres fermetures se profilent selon les informations du Télégramme. « La fréquentation s’est effondrée », admet un serveur dans l’un des derniers troquets toujours debout. « On tient encore un peu le jeudi soir, mais c’est incomparable ».

En dehors des bars, seuls quelques kebabs subsistent pour le moment. Avec la chute de la fréquentation, la rue a aussi perdu de sa convivialité. Agressions, trafic de drogue et drames liés à l’alcool ont terni son image. Certains épisodes également ont laissé des traces. Comme en octobre 2024, quand deux hommes à scooter ouvraient e feu sur un dealer devant un kebab, le blessant grièvement. « Beaucoup de clients se sentent moins en sécurité », confirme Stéphane*. « Certains préfèrent désormais sortir ailleurs ».

La concurrence du Mail

Notamment sur le Mail François-Mitterrand, devenu une véritable rambla à la rennaise, où l’on compte désormais davantage de bars que dans la rue de la Soif. Chaque soir, le lieu s’anime à l’heure de l’afterwork. « Les prix sont plus élevés mais les gens préfèrent l’environnement », analyse le barman.

Désormais propriétaire de la moitié des pas-de-porte, la Ville de Rennes nourrit d’autres projets pour la rue de la soif. Objectif affiché : attirer des commerces ouverts en journée, moins susceptibles d’entraîner des « nuisances nocturnes ». Une volonté de gentrification qui ne plaît pas à tout le monde. « On a entendu parler d’un projet d’ouverture de salon de thé », ironise l’ex-gérante du Saint-Michel. « Un salon de thé, rue de la Soif… ça fait presque rire. » Contactée, la société Territoires n’a pas donné de suite.

Malgré ce climat morose, quelques irréductibles refusent d’envisager la disparition totale des bars dans la rue de la soif. « Il en restera toujours », veut croire un habitué de la rue. « Sinon, cela n’aurait plus de sens de l’appeler comme ça. » Pour tenter de redynamiser les lieux, les derniers bistrots misent sur de nouvelles stratégies pour ramener les jeunes en nouant des partenariats avec les associations étudiantes, communication accrue sur les réseaux sociaux, soirées thématiques.

*Le prénom a été modifié