Présentée le 23 janvier 2003, la collection couture pour l’été-automne de la même année incarne le renouveau créatif et stylistique d’Azzedine Alaïa.
Pas d’invitation au défilé Azzedine Alaïa, présenté à la Paris Fashion Week féminine printemps-été 2026, samedi 4 octobre ? Pas de panique, bien au contraire. À la place, découvrez, à la Fondation Azzedine Alaïa, l’exposition Azzedine Alaïa, de silence sculpté. La collection couture 2003 qui décrypte un moment clef de sa vie. Dans un décor épuré, d’un blanc immaculé, elle réunit une trentaine de modèles unis, essentiellement en noir et blanc, nichés dans des écrins opaques – sous la verrière où avait eu lieu ce défilé 2003. L’exposition est accompagnée de vidéos et de films et, à l’étage, de photographies de son ami l’artiste Bruce Weber.
Depuis 1992, le couturier ne présentait plus de défilé. Ayant pris ses distances avec le système de la mode, ne se reconnaissant plus dans une époque qui consacrait alors le succès des modes minimalistes, il s’en tenait à la reconduction, de saison en saison, de modèles emblématiques, des classiques devenus sa signature.
En 2003, alors que sa maison de couture avait traversé une période de vulnérabilité financière, Azzedine Alaïa trouve de nouveaux soutiens économiques. Accompagné de sa fidèle amie et collaboratrice Carla Sozzani, il s’isole alors dans son atelier et conçoit une collection qui allait le situer de nouveau au plus haut. À découvrir jusqu’au 16 novembre.
Pour comprendre l’œuvre d’Azzedine Alaïa, il faut plonger dans son histoire traversée par quatre périodes. La première, de son arrivée à Paris en 1956 à son premier défilé en nom propre en 1982, est caractérisée par une forme de long apprentissage où le couturier en chambre s’exerce auprès d’une clientèle privée. Ces plus de vingt ans de formation, auprès des femmes qu’il accompagne dans leur vestiaire, représentent sa véritable école, celle par laquelle il acquiert une connaissance parfaite des techniques de coupes de l’académie des corps.
La seconde période, de 1982 à 1992, est celle du triomphe. Azzedine Alaïa présente un premier défilé chez Bergdorf Goodman encouragé par son ami Thierry Mugler. S’ensuit une succession de collections où Azzedine Alaïa se révèle couturier des corps qu’il magnifie. En octobre 1985, il gagne deux trophées aux Oscars de la mode dont celui de plus grand créateur du moment. Jusqu’en 1992, il inaugure à chaque saison les thèmes centraux de son œuvre : robe à zip, robe bandelettes, chemises et vestes que seule gouverne l’architecture des volumes.
1992 à 2002 représentent les années d’analyse et de recul. Azzedine Alaïa se désolidarise d’un système de mode qu’il trouve aliénant. Il voit dans les formes précipitées des collections l’opposé de ce qu’il souhaite pour son travail, à savoir rigueur et discrétion.
Exposition « Azzedine Alaïa, de silence sculpté », à Paris, septembre 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)
En 2003, à près de 78 ans, le couturier n’a plus à prouver sa prédominance technique sur celle de ses contemporains. Ses recherches motivées par la quête d’une coupe ultime se font plus silencieuses et abstraites, plus savantes parce que plus invisibles en apparence. Tous les modèles qu’il s’apprête à montrer dans le cadre de cette collection été-automne 2003, celle du retour, sont les manifestes de cette virtuosité technique.
Les vestes et les redingotes basculent du droit fil au biais, les jupes perforées et galbées domptent les toiles de jean, les robes à zip sont d’une épure extrême tandis que les cuirs allongent les dos en queue de pie de crocodile noir ou blanc. Les chemises sont étirées et resplendissent de blanc et de broderie anglaise tandis que les robes de mousseline sont légères.
« Je me débarrasse des couleurs. Je ne veux que du noir. Le noir est pour moi la couleur la plus importante. C’est celle par laquelle je commence quand je crée un modèle : elle permet de mieux faire apparaitre une silhouette. »
Au-delà du caractère intemporel, il est alors le seul couturier – encore aujourd’hui – à écrire en exergue de son dossier de presse « Été-automne 2003 », « Vêtements, couture, édition, prêt-à-porter », il ne fait pas de distinguo : quels que soient les matériaux, les usages, les vêtements demandent et exigent d’égales attentions, de haute couture et d’exception ou de prêt-à-porter et de quotidien, tous doivent vêtir et demeurer.
Exposition « Azzedine Alaïa, de silence sculpté », à Paris, septembre 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)
Sans décor ni podium, accompagnés des poèmes de Jacques Prévert, des éclats de la voix d’Arletty et des chants de Juliette Gréco, les vêtements de cette collection 2003 offre une féminité nouvelle. Fidèle à lui-même, Azzedine Alaïa ne sort pas saluer son public comme pour mettre en lumière plus encore ces vêtements auxquels il aura, couturier et collectionneur, consacré toute sa vie et ses passions.
À l’étage, à côté de l’atelier du couturier visible au public, pour la première fois sont exposées les photographies que son ami, l’artiste Bruce Weber, avait réalisées à la faveur d’une série publiée pour Vogue Italia. En noir et blanc, les vêtements photographiés avec délicatesse révèlent une féminité nouvelle au diapason de celle qu’a souhaitée le couturier. Au fond, une petite salle cachée propose une vidéo, un rien étrange et rigolote !
Exposition « Azzedine Alaïa, de silence sculpté », à Paris, septembre 2025. (CORINNE JEAMMET / FRANCEINFO CULTURE)
Environ deux fois par an, deux expositions reviennent sur le travail du couturier qui, en 2007, décide de protéger son œuvre et sa collection d’art en fondant l’Association Azzedine Alaïa, conjointement avec son partenaire de vie, le peintre Christoph von Weyhe, et son amie l’éditrice Carla Sozzani afin qu’elle devienne la Fondation Azzedine Alaïa.
Ses missions : la conservation et la mise en valeur de l’œuvre du couturier, des œuvres qu’il a collectionnées dans les domaines de l’art, la mode et le design, l’organisation d’expositions et le soutien d’activités culturelles et éducatives. La fondation attribue également des bourses à des jeunes talents visionnaires de la mode. Elle abrite les trésors de la maison et de son créateur, décédé en 2017, et expose son travail et les œuvres d’art de sa collection personnelle, à Paris, et à Sidi Bou Saïd, la ville qu’il a tant aimée.
Ce collectionneur d’œuvres issues de l’art, de la mode, du design, du mobilier et de la photographie, aimait aussi lire des ouvrages consacrés à ces univers et aux artistes qui l’inspiraient. En mémoire de cette passion, son association a ouvert, fin 2018, une librairie dans la cour intérieure de la maison où il vivait et travaillait.
Exposition « Azzedine Alaïa, de silence sculpté », jusqu’au 16 novembre 2025. Fondation Azzedine Alaïa(Nouvelle fenêtre), 18 rue de la Verrerie, 75004 Paris