Par

Emilien Jacques

Publié le

3 oct. 2025 à 6h48

Le jeune Mamadou Garanké Diallo, d’origine guinéenne, était employé dans une boucherie de Darnétal (Seine-Maritime) depuis 2020. Il a dû se résoudre à quitter son travail et la France suite à une mesure d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) prise à son encontre par la préfecture de Seine-Maritime, en juin 2025. Quelques semaines plus tard, il a trouvé la mort près de Dunkerque, à 21 ans.

Un jeune « très courageux et très bien intégré »

Mamadou Garanké Diallo est arrivé seul de Guinée Conakry alors qu’il n’avait que 16 ans. À cette époque, accompagné par les services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), il est embauché par Claude Renard, propriétaire de la boucherie Renard, à Darnétal, pour un contrat d’apprentissage de trois ans.

Décrit par son employeur comme un jeune « très courageux et très bien intégré », il arrive au bout de son cursus avec l’objectif de poursuivre dans cet établissement. Mais il se heurte alors à une décision de la préfecture de Seine-Maritime qui va compliquer son parcours professionnel.

Un premier avis d’expulsion

À l’issue de l’année scolaire 2023, Mamadou Garanké Diallo est visé par une mesure d’OQTF, qui rompt de fait son contrat de travail. Une nouvelle qui va susciter l’incompréhension de la part de son patron et des clients de la boucherie qui se mobilisent pour soutenir le jeune homme.

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Une pétition est lancée et un courrier signé de la main du maire de Rouen, Nicolas Mayer Rossignol, et de plusieurs députés, dont Alma Dufour notamment, est même envoyé au préfet de Seine-Maritime pour l’alerter sur la situation. Finalement, après l’obtention d’une carte d’identité consulaire, Mamadou Garanké Diallo est autorisé à rester en France et à conserver son travail à la boucherie Renard.

« J’ai peur qu’ils viennent me chercher »

Le jeune guinéen va même trouver une deuxième famille dans le foyer de Lara Levesque, une habitante de Darnétal qui le « prend sous son aile », selon ses dires. « Il m’a très vite appelé maman, il faisait partie de la famille. Il n’y a jamais, jamais eu de soucis », se souvient cette assistante sociale de formation et mère de trois enfants.

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C’était un jeune plein de projets. Mais tout a basculé quand il a reçu son courrier de la préfecture.

Lara Levesque
Habitante de Darnétal hébergeant Mamadou Garanké Diallo

En juin 2025, Mamadou Garanké Diallo reçoit un deuxième avis d’expulsion. La préfecture de Seine-Maritime justifie aujourd’hui sa décision par le fait « qu’il ne disposait ni d’un visa long séjour ‘salarié’, ni d’une autorisation de travail ». Elle informe également « d’une analyse documentaire de la police aux frontières qui a conclu que ses documents d’identité étaient irréguliers. »

Le jeune homme accuse le coup. « Je l’ai vu en pleurs », affirme Lara Lesveque, « il était dévasté ». Puis la peur s’installe « Il m’a dit : j’ai peur qu’ils viennent me chercher. » Une crainte qui va le pousser à quitter ses attaches darnétalaises, et même s’enfuir hors du territoire français.

Un départ précipité

Du jour au lendemain, sans prévenir et en laissant toutes ses affaires, Mamadou Garanké Diallo quitte Darnétal. Quelques jours plus tard, il contacte Frédéric Becu, son patron à la boucherie Renard (il avait succédé à Claude Renard). « J’ai appris qu’il était parti pour l’Angleterre », confie le boucher. « J’aurais aimé l’empêcher. Là-bas, on ne pouvait plus l’aider ».

L’homme, qui parle de son employé comme quelqu’un de « toujours sérieux, toujours souriant et toujours prêt à rendre service », fait part de son exaspération quant aux mesures d’OQTF.

J’étais prêt à lui faire un CDI. Ça m’a agacé, il a du travail et on cherche à le renvoyer.

Frédéric Becu
Patron de la boucherie Renard

Un sentiment d’injustice qui sera mêlé d’une profonde tristesse quelques semaines plus tard.

Une issue tragique

À partir du 18 septembre 2025, l’association Pour un avenir meilleur, qui suit Mamadou Garanké Diallo depuis son arrivée dans l’agglo rouennaise, reçoit des témoignages indiquant que le jeune homme aurait péri dans un accident mortel, à Loon-Plage, près de Dunkerque. Plusieurs membres de l’association, accompagnés de nombreux de ses amis, se rendent sur place. Quelques jours plus tard, ils sont en mesure de confirmer son décès suite à l’identification du corps. L’annonce est faite via un post Facebook de la part de l’association. Mamadou Garanké Diallo a été percuté par un camion.

Dans ce même post, sont pointés du doigt les décideurs d’OQTF, que Frédéric Becu a également du mal à ne pas tenir pour responsables de la mort de celui qu’il a formé. « J’ai du mal à digérer… c’était un gamin », souffle-t-il. « S’il n’y avait pas eu d’OQTF, il serait encore là. Il ne méritait pas ça. »

Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances précises de la mort de Mamadou Garanké Diallo.

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