Yves Montand-Simone Signoret, on sait : l’amour fou, Montand volage, Signoret trahie, le fantôme de l’amante Marilyn Monroe. Tout y est, là, dans Moi qui t’aimais, titre emprunté à Les Feuilles mortes, titre culte de Montand, vers de Jacques Prévert, où l’amour se chante et se fane. Diane Kurys écarte l’écho des combats politiques, le communisme fervent qui chancelle dans le désenchantement. Non, elle, c’est la romance qui l’intéresse. La passion folle, dévastatrice, les promesses et les mensonges, l’étreinte étouffante, violente presque, de l’amour.

Avec sa coscénariste Martine Moriconi, Diane Kurys a regardé et lu toutes les interviews, l’autobiographie de Simone Signoret. Quand on s’attaque à des célébrités, comme ici ce couple iconique du cinéma français, il ne faut pas se rater. Pas trahir humainement, c’est un minimum, mais aussi, rester droit, ajusté, au plus près, au plus vrai. Car sinon, on reproche à la liberté d’inventer, on guette l’écart, l’infidélité. La marge de manœuvre est étroite, souvent avec les biopics. Et l’on voit bien le cinéma qui s’applique avec éthique à suivre la ligne exacte des faits, pour ne s’en écarter avec licence que quand il y a des parts manquantes ou troubles à ce que l’on sait. La fiction se glisse dans les espaces étroits de l’incertitude, pour se sortir des couloirs de la certitude qui enferme.

Leur ressembler sans être une copie conforme

Moi qui t’aimais confesse d’emblée son vertige : approcher la vérité amoureuse de Montand et Signoret est une quête impossible. Alors, le film signe un pacte avec le spectateur, assume sa liberté. À l’écran, on voit la métamorphose des acteurs, maquillage, postiche, etc. On voit Roschdy Zem devenir Montand, Marina Foïs être Signoret. Leur ressembler, physiquement, sans être une copie conforme. Le film peut ainsi affirmer sa liberté à venir, et opposer à l’objection sa fiction assumée, montrée.

Ce n’est pas tout à fait suffisant pour oublier l’artificialité du jeu, se laisser conduire à l’écart des modèles. Peut-être parce que le mélo amoureux est désaxé, déséquilibré : il ne forme jamais un tout cohérent. Roschdy Zem est écrasé par le séducteur conquérant Montand, homme à femmes, tandis que Marina Foïs est libérée par l’entière Signoret. Elle ne compose pas avec une figure mythique, mais avec une femme déchirée, ravagée, tourmentée. Elle se relie à elle par des fils invisibles, sans coutures cinématographiques apparentes à l’exception du début. Elle se relie à son intériorité, à sa sensibilité, à sa vulnérabilité. Comme si Simone Signoret, au lieu de la dominer, lui conférait une forme d‘élévation supérieure dans son expression dramatique, d’une impressionnante subtilité. Une actrice immense, portée par une femme plus grande encore. Un fantôme vit, jusqu’à sa fin spectrale.

Moi qui t’aimais de Diane Kurys, en salles dès ce mercredi 1er octobre. Durée : 1 h 48.