“La question de Taïwan touche aux fondements politiques des relations sino-américaines ; si elle n’est pas gérée correctement, elle peut ouvrir un conflit et une confrontation entre Pékin et Washington.” C’est l’ambassadeur chinois aux États-Unis, Xie Feng, qui a fait cette déclaration, lors d’une réception organisée à Washington lundi 29 septembre, la veille de la fête nationale chinoise. Rien de bien surprenant, tant il décline ici la position diplomatique habituelle de Pékin.
En revanche, relève le quotidien singapourien Lianhe Zaobao, d’autres déclarations officielles tendent depuis quelques jours à montrer que les autorités chinoises veulent investir sérieusement le champ de bataille juridique concernant les affaires de Taïwan en remodelant leur pouvoir d’interprétation des textes qui, au fil de l’histoire, ont construit le statut très particulier du territoire.
Mardi 30 septembre, lors de son discours prononcé pour la fête nationale, le président chinois, Xi Jinping, a, une fois de plus, affiché sa détermination pour “contrer fermement les activités séparatistes visant à l’indépendance de Taïwan ainsi que toute forme d’ingérence extérieure” et pour “défendre résolument la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale” – ce qui, ici, inclut Taïwan.
Taïwan se situe à environ 180 kilomètres des côtes de la Chine continentale et est peuplé de plus de 23 millions d’habitants. Courrier international
Le même jour, le ministère des Affaires étrangères chinois a publié un document présentant la nouvelle “position de la Chine sur la résolution 2758 de l’Assemblée générale des Nations unies”. Il s’agit du texte qui, en 1971, a permis à la République populaire de Chine (soit, à l’époque, la Chine de Mao) d’occuper le siège réservé à la Chine au sein de l’ONU, en lieu et place de la république de Chine, comme se nomme le régime en place à Taïwan (à l’époque dirigée par Tchang Kaï-chek).
Marchandage avant sommet
Or l’équipe du ministre Wang Yi souligne dans ce nouveau texte que la résolution 2758 “a réglé de manière claire et définitive la question de la représentation aux Nations unies de l’ensemble de la Chine, y compris Taïwan”. Avec cette nouvelle interprétation en bandoulière, Pékin accuse Washington de “renverser de manière flagrante l’histoire, ce qui est absurde et dangereux”.
Il s’agit là d’un coup de colère de la diplomatie chinoise, qui a vraisemblablement été provoqué par une nouvelle déclaration américaine, poursuit Lianhe Zaobao. Mi-septembre, l’Institut américain à Taïwan (AIT, soit l’ambassade informelle des États-Unis sur l’île) et le département d’État ont “exceptionnellement” exposé l’argument selon lequel “le statut de Taïwan reste indéterminé”, soulignant que les documents issus des recompositions qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ne sauraient déterminer le statut politique ultime de l’île.
C’est un revirement pour Washington, qui survient quelques semaines avant une éventuelle rencontre entre les présidents Trump et Xi, “qui devrait se tenir fin octobre”, croit savoir le journal singapourien.
Qi Dongtao, chercheur à l’Université nationale de Singapour, y voit là le signe d’un chantage. Cette évolution, explique-t-il, montre que la Chine et les États-Unis “sont actuellement en train de se tester mutuellement, de marchander et de clarifier leur position” en vue du sommet. De son côté, Bao Chengke, chercheur à l’Institut d’études d’Asie de l’Est à Shanghai, cité par Lianhe Zaobao, estime que la diplomatie américaine veut “utiliser Taïwan comme un pion, à l’instar de l’Ukraine, afin de perturber et compromettre la paix et la stabilité dans la région Asie-Pacifique”.