Par

Ivan CAPECCHI

Publié le

3 oct. 2025 à 16h30

Sur TikTok, il n’est pas rare de voir des vidéos dans lesquelles la génération Z – celle qui a entre 15 et 28 ans – énumère les pratiques professionnelles qu’elle n’accepte plus, souvent en contradiction avec la génération de ses parents, avec comme maxime : « Il faut les choquer ». Sous-entendu : il faut choquer celles et ceux qui appliquent encore ces vieux schémas, mais surtout les dénoncer avec force pour qu’ils ne se reproduisent plus.

S’agit-il d’une simple trend (tendance) ou voit-on apparaître un vrai mouvement de fond ? On a voulu tâter le terrain en allant discuter avec les étudiants sur le campus de Strasbourg.

@mama.job

@AMANDE merci pour ton partage d’expérience. J’ai une question est-ce que pour vous la génération Z est là pour bousculer le monde du travail ou pour nous montrer une manière de travailler plus saine ?

♬ son original – MAMAJOB

« 17h c’est 17h »

Sophie, 18 ans, est d’accord avec l’idée qu’« il faut les choquer ». Elle évoque par exemple le sujet des horaires. « Quand les gens partent à 17h parce que c’est l’heure, je trouve ça normal », explique cette étudiante en langues. « 17h c’est 17h, si j’ai fini ma journée, je ne vois pas pourquoi je resterais plus longtemps, je ne vais pas être payée plus », explicite-t-elle.

« On n’a pas besoin de travailler plus que ce qui est écrit sur le contrat », l’enjoint son amie Céline, partisane de « ne pas faire plus que ce qui est demandé ». « Il ne faut pas gâcher sa vie à faire plus pour se faire bien voir de son patron », estime-t-elle.

« Je dis à ma mère : ‘Pourquoi tu travailles jusque si tard le soir ?’»

La jeune femme évoque sa mère, qui « a tendance à vachement penser au travail à la maison ». « J’ai envie de lui dire : ‘Il est 18h, arrête de penser à ça‘», raconte-t-elle.

Sophie aussi voit parfois sa mère « travailler jusqu’à tard le soir en semaine ». « Je lui demande : ‘Pourquoi tu travailles si tard alors que t’as fini depuis belle lurette ? Et elle me répond : ‘Nan mais comme ça, c’est fait, je n’aurai plus à le faire lundi’». « Si elle veut s’avancer, elle fait ce qu’elle veut, moi je ne le ferai pas », ponctue Sophie.

Mettre fin aux « comportements sexistes en entreprise »

De son côté, Arnaud repense à « cet ami en stage » qui avait « demandé à pouvoir porter un casque sur un chantier » et à qui on a dit « non ». « C’est quand même une grosse mise en danger du stagiaire », continue-t-il, appelant de ses vœux à ce que ce genre de « comportements très limites » cessent.

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À ses côtés, Clara mentionne les « comportements sexistes en entreprise ».

@soniaa_grt

#genz #taf #jobsetudiant #bordeaux

♬ son original – Sonia 🕺

Des avis qui divergent sur la méthode à employer

Pour eux, il faut employer la méthode forte pour que les choses changent. « Les choquer, c’est vraiment approprié comme terme », »considère Céline. « Les générations précédentes, qui étaient plus soumises, n’ont pas permis de faire bouger les choses », constate-t-elle. « Je pense que si on continue d’y aller doucement, ça ne va pas marcher », abonde Clara.

Noé n’est pas de cet avis. « Je ne pense pas que ce soit la bonne façon de faire. Ce n’est pas en allant complètement à contre-courant qu’on va faire changer les choses. Il faut peut-être essayer d’amener les choses par la manière douce », esquisse-t-il.

Lui ne se retrouve pas vraiment dans la trend évoquée plus tôt. Sur les horaires par exemple, « ça dépend du travail qu’il y a à faire », juge-t-il. « Si tu termines ton travail avant l’heure, autant rentrer, si tu finis après, tu pourras peut-être partir plus tôt le lendemain. Dans tous les cas, ça ne me dérange pas de rester 10 ou 15 minutes de plus pour achever un travail correctement », témoigne-t-il.

« Moi je suis plutôt à l’ancienne »

 Antoine, lui, se dit carrément « à  l’ancienne » sur ces sujets. « Quand je vois comme quoi il ne faut pas rentrer trop tard par exemple, moi je ne comprends pas. Si t’aimes bien ce que tu fais, autant rester », dit celui dont le « père qui travaille dans le bâtiment rentrait parfois tard le soir ».

Juste « par rapport aux femmes, oui ça c’est normal [de faire changer les mentalités] », glisse-t-il.

Gouffre entre attentes et réalité

Publiée en avril dernier par l’Institut Montaigne, l’étude « Les jeunes et le travail : aspirations et désillusions des 16-30 ans » contre une génération attachée au travail mais déçue par ses conditions.

66 % jugent qu’il existe un fort écart entre leurs attentes (équilibre, reconnaissance, qualité de vie) et la réalité des emplois. Les risques psychosociaux dominent les préoccupations, et 27 % disent avoir subi du harcèlement moral, 9 % sexuel. Les plus diplômés, surtout issus de filières généralistes, ainsi que les jeunes femmes dans les métiers de service, se disent particulièrement désillusionnés.

Paradoxe

Ce malaise débouche sur un paradoxe : les jeunes disent vouloir la stabilité professionnelle, mais 60 % envisagent tout de même de quitter leur entreprise d’ici cinq ans, dont la moitié pour se mettre à leur compte. Ils restent attachés à l’idée de travailler, mais refusent de le faire à des conditions qu’ils jugent sacrificielles : longues heures, faible reconnaissance, santé psychologique négligée.

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