C’est un sujet brûlant. Depuis deux ans, les délais de jugement pour les cours d’assises explosent partout en France. Ainsi, le moindre grain de sable a de lourdes incidences sur les accusés qui souhaitent être innocentés et les victimes qui veulent obtenir gain de cause. Et c’est ce qui vient de passer à Bordeaux. La session d’assises de début octobre a été purement et simplement annulée.
En cause, le non-remplacement d’un des présidents. Hubert Hansenne a présidé sa dernière audience à Bordeaux en juillet dernier. Son départ vers une autre juridiction était bien prévu par la cour d’appel. Mais en octobre, il n’y avait personne pour assurer son poste.
Un problème interne
Isabelle Gorce, première présidente de la cour d’appel, nous transmet ce communiqué : « Le départ de l’un des présidents et son remplacement, en interne sur les effectifs de la cour, a nécessité de modifier l’audiencement de la rentrée pour permettre le suivi d’une formation préalable indispensable à la prise de poste, eu égard à la technicité des fonctions de président de cour d’assises. »
Derrière ces éléments feutrés, il y aurait, selon nos informations, un couac interne à la cour d’appel, qui mélange éléments privés relatifs aux magistrats et organisation des effectifs. Quoi qu’il en soit, il a bien fallu trouver une solution. Isabelle Gorce le confirme : « Afin de limiter au maximum l’impact sur le service des assises et l’audiencement des dossiers, il a été décidé de reporter la session du 29 septembre au 10 octobre. »
« On sait que les cours d’assises sont embouteillées, mais ce nouveau report est bien un dysfonctionnement »
Pourquoi celle-ci ? Car il s’agit de « la seule session jusqu’à la fin de l’année composée uniquement de dossiers sans accusé détenu ». En clair, la cour d’appel n’avait pas les moyens d’assurer toutes les sessions. Elle a décidé d’assurer celles où il y avait des détenus, car leur cas est prioritaire.
Me Julie Ravaux devait plaider de lundi à mercredi. Elle défendait une famille endeuillée. En juin 2019, Jean-Luc Krautsieder avait été victime d’une tentative de meurtre à Langon. L’homme de 36 ans avait été abordé, arrêté, roué de coups et laissé à terre par son agresseur. Diego Winterstein avait été arrêté et mis en examen. Il devait comparaître en octobre 2023. Mais la victime, qui n’avait jamais quitté un état végétatif, était morte une semaine avant l’ouverture de la cour d’assises.
Le barreau réagit
C’est peu dire que ses parents attendaient une nouvelle date avec impatience : « Pour eux, cela génère à nouveau beaucoup de peine, témoigne Me Ravaux. Leur fils a été massacré et la justice ne passe pas. On sait que les cours d’assises sont embouteillées, mais ce nouveau report est bien un dysfonctionnement. » On ignore, pour l’heure, quand le procès pourra être reporté. Deux autres procès (des viols commis par des mineurs) sont concernés par cette annulation annoncée en juillet dernier.
En attendant des nouvelles de la cour d’appel, l’Ordre des avocats de Bordeaux, sollicité par « Sud Ouest », parle d’une « illustration des difficultés de la justice » : « On a écrit plusieurs fois au garde des Sceaux au sujet du manque de moyens. Certains sont arrivés mais c’est insuffisant face aux décennies de pénurie qu’il faut compenser », commente la bâtonnière, Me Caroline Laveissière.