Dès les premières minutes de prise en main, j’ai compris que le pari est aussi simple que casse-gueule : ramener l’esprit des tout premiers Heroes of Might & Magic. Le tour par tour est de retour, tout comme les déplacements par cases hexagonales en combat, l’alternance entre balade sur map et combats tendus, le brouillard de guerre qui plane sur les terres inexplorées, les héros à faire évoluer et chaque mouvement (avec des points de mouvement limités) compte réellement. Je vois réapparaître le sentiment délicieusement amer d’une décision mal placée qui coûte une unité, et parfois toute l’issue d’une partie, mais aussi la joie quand un plan bâti patiemment finit par payer. Le charme d’antan semble bien là.
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Stups et Factions
J’ai tout de même évité de jouer les caïds d’entrée de jeu, et j’ai préféré faire les petits bras en lançant d’abord le tutoriel du jeu modeste mais efficace, qui m’a servi de tremplin quand je redécouvrais des mécaniques que je croyais gravées dans ma mémoire mais qui avaient un peu rouillé dans mon liquide céphalo-rachidien. Après cette introduction, j’ai exploré les trois modes solo proposés : le mode Classique, fidèle au cœur de la licence ; le mode Héros unique, qui focalise l’attention sur un champion que l’on fait progresser ; et l’Arène, plus nerveux, où l’on compose une armée par draft et affrontements directs. Chacun de ces modes repose sur trois modèles de cartes procédurales (appelés “recipes” par les développeurs), garantissant une variation déjà bienvenue dans ce build. Le studio Unfrozen promet d’élargir le contenu (avec de nouvelles factions, modes et cartes) pendant l’accès anticipé.
Au fil de mes sessions, j’ai pu diriger quatre factions dans cette preview : le Temple (humains), la Nécropole (morts-vivants et vampires), le Donjon (créatures souterraines et elfes noirs), et la mystérieuse Schisme (elfes corrompus et abominations surnaturelles). Ce dernier camp m’a particulièrement séduit. Avec ses créatures inspirées de la science-fiction, voire de thématiques lovecraftiennes, son esthétique tranche avec le reste du bestiaire. L’usage de la magie glaciaire et de rituels occultes est franchement réjouissant, et j’avoue avoir eu un gros coup de coeur pour le design de leur base de départ, royaume figé autour d’un crâne tentaculaire géant.
La Montagne Magic
Même avec une volonté de fidélité, Unfrozen a tenu à ne pas rendre une copie conforme. Le rythme est plus rapide que dans la trilogie originale Heroes of Might & Magic, et on sent qu’Unfrozen a tenu à rendre l’expérience tactique plus accessible tout en conservant des enjeux sérieux, et en offrant aux joueurs un écrin artistique finement ciselé : les paysages changent selon la faction qu’on incarne, le brouillard de guerre est stylisé comme un parchemin animé, et l’interface grouille de petits détails délicieux (jusqu’à l’ornement façon enluminure des portraits et artefacts).
En combat l’IA m’a surpris. Je m’attendais à tomber sur un adversaire passif, mais non : dans certaines parties, mes troupes sont tombées comme des mouches car l’adversaire anticipait mes mouvements avec une efficacité surprenante. Les ennemis se montrent réactifs et agressifs, contrairement à certaines itérations passées où ils faisaient souvent des choix douteux. Ce n’est pas parfait – parfois, l’adversaire choisit des placements étranges – mais dans l’ensemble, la tension est réelle à chaque combat.
Au fil des batailles, le héros qui mène nos troupes engrange l’expérience qu’on peut investir dans des attributs et pour débloquer des compétences. La branche de sorts est elle aussi présente, et permet de débloquer des magies issues de voies comme l’Arcane, la Lumière, l’Ombre… Des choix loin d’être anecdotiques, puisqu’ ils donnent du relief et modulent l’appréhension stratégique lors des affrontements, vous poussant à vous demander si vous êtes plutôt un lanceur de sorts bien planqué, ou un héros au corps à corps épaulé par des synergies magiques. Une fois encore, on est en terrain connu, mais Unfrozen parvient à y apporter suffisamment de vent frais pour éviter de tomber dans le syndrome de la copie carbone.
Si ces quelques heures de jeu ont abouti en une confiance prudente en l’avenir, je ne peux m’empêcher d’alerter sur certaines zones fragiles. Trois modes de jeu, quatre factions utilisables dans cette preview : c’est suffisant pour donner envie, mais pour qu’un jeu survive à des dizaines ou centaines d’heures, il faudra nettement plus de contenu. L’équilibrage sera crucial, notamment quand le multijoueur sera ouvert à tous (j’ai vraiment eu l’impression que le Schisme roulait sur la concurrence). Le mode Arène, bien que prometteur (plus nerveux, plus immédiat), pourrait souffrir de déséquilibres si le draft ne repose pas sur un pool équilibré.
Jamais sans mes cases hexagonalesUne minute pour conclure
À la fin de mes sessions, j’ai ressenti ce frisson que seuls les bons jeux au tour par tour savent offrir : la joie d’un plan qui marche, le regret d’une erreur fatale, la curiosité de découvrir la suite. Pour le moment, la note d’intention est limpide : Heroes of Might & Magic : Olden Era n’est pas une copie carbone, c’est une tentative sincère de raviver une flamme, même si pour l’instant, j’ai la forte impression d’être en présence d’un Heroes of Might & Magic 3.5. Et pour quiconque a connu la déferlante d’enthousiasme qu’a suscitée le troisième volet en son temps, c’est déjà une promesse énorme.