Le CHU de Rennes prend la parole et ouvre le débat sur un sujet de société : la proposition de loi sur le droit à l’aide à mourir, actuellement en discussion au Parlement. Vincent Morel, chef de l’unité de soins palliatifs, au CHU de Rennes, est l’invité d’ICI Armorique ce vendredi.
C’est plutôt rare qu’un hôpital prenne la parole sur un sujet de société, et d’autant plus sur un sujet si sensible, celui de la fin de vie et de l’euthanasie. C’est pourtant ce qu’a décidé de faire le CHU de Rennes, pour ouvrir le débat, et être prêt le jour où la loi sera adoptée par le Parlement français.
C’est ce qu’explique Vincent Morel, chef du service des soins palliatifs au CHU de Rennes, invité d’ICI Armorique ce vendredi. « Il y a une discussion depuis de nombreuses années par le Parlement pour aller vers une loi qui va dépénaliser l’aide à mourir, et sans préjugé du vote du Parlement, il s’agit pour les soignants d’anticiper », détaille le médecin.
« Je pense qu’on n’est plus dans le moment de dire si cette loi est opportune ou pas, il s’agit de voir comment elle va modifier nos pratiques, comment il va falloir qu’on s’adapte, et c’est tout le travail que l’on développe au niveau du CHU de Rennes, pour commencer à mobiliser les équipes sur cette réflexion avec toujours l’idée, pour les professionnels de santé de pouvoir accueillir au mieux les patients et donc de pouvoir avec eux aussi anticiper une évolution législative. »
Le chef du service des soins palliatifs du CHU de Rennes poursuit sur la nécessité de réfléchir à la pratique pour les soignants. « Il va falloir qu’on fasse avec cette loi. Cela va nous obliger à réfléchir sur trois éléments. D’abord un premier élément qui est plus une approche sociologique, il faut comprendre pourquoi cette loi arrive, pourquoi la société demande à ouvrir un nouveau droit vers l’aide à mourir, donc il va falloir comprendre les enjeux, les questions, les points de tension, les points d’accord, les points de désaccord pour mieux écouter les patients. Il y a un deuxième élément indispensable qui est une approche plus soignante, de façon à ce qu’on soit en capacité de pouvoir aussi bien décrypter une personne qui ferait une demande de mourir. Il ne s’agirait pas qu’un patient, un jour, bénéficie de l’aide à mourir par faute d’accès aux soins ou par faute d’accès à des équipes compétentes. Et le troisième élément pour les professionnels, c’est de bien connaître le dispositif juridique, et c’est pour ça qu’on a commencé cette semaine à réfléchir avec des professionnels de santé sur ce qui pourrait advenir. »
Concernant les soins palliatifs, « j’essaie de développer cette nouvelle approche préventive, parce qu’on sait que si on débute précocement les soins palliatifs, non seulement les personnes vont vivre mieux, mais elles vont vivre plus longtemps », poursuit le docteur Vincent Morel.
Interrogé sur le possible retard que la France pourrait avoir sur le traitement de cette question de la fin de vie, le chef du service des soins palliatifs du CHU de Rennes répond qu’il n’est pas dans la comparaison de ce que font les autres pays. « J’ai la chance d’aller souvent au Québec, où ils regardent d’un œil très attentif notre développement des soins palliatifs. La loi Claeys-Leonetti qui refuse l’acharnement thérapeutique, et nos pratiques sédatives qui permettent à une personne de dormir pour ne pas souffrir alors qu’elle va mourir. »
« Par contre, il est vrai que pour l’instant en France, on a surtout abordé le champ des personnes qui vont mourir, et là on est capable de les soulager, de les écouter. Pour ce qui est des personnes qui veulent mourir, je ne pense pas qu’on aborde ce sujet en retard, on l’aborde dans la temporalité qui est la nôtre, je ne suis jamais pour faire un copier-coller, je suis pour aller voir les expériences qu’il y a dans les pays à côté, mais je suis aussi pour réfléchir de notre propre façon. »