Les Troubles obsessionnels compulsifs (TOC), c’est quoi exactement  ?

Dr François Laruelle, chef du pôle de psychiatrie et psychologie clinique au Centre Psychothérapique de Nancy (CPN) de Laxou : « Les TOC, c’est la peur d’être à l’origine d’une conséquence négative si l’on n’y prend pas garde : si je ne vérifie pas, si je ne lave pas, si je ne fais pas mon rituel mental. Les trois éléments majeurs dans le rituel du TOC, c’est le lavage, la vérification et les rituels mentaux. Donc, en l’occurrence, si l’on prend un exemple de rituel de lavage, vous avez peur en touchant quelque chose de sale d’être à l’origine de la contamination de quelqu’un. Donc, pour éviter une transmission, vous allez laver, laver, relaver vos mains. Or, cette vérification excessive n’a aucun sens sauf de calmer une angoisse. On est là dans le TOC parce qu’on dépasse le simple fait de se laver les mains pour des raisons rationnelles. On est dans le déraisonnable et, donc, dans une maladie psychique. Le patient décrit très souvent la situation comme ridicule. Le rituel mental, c’est le troisième mécanisme, qui ne se voit pas trop. Ce sont des gens qui ont des pensées comptables. Ils tiennent une comptabilité de leurs actes, genre 1, 2, 3, 4, puis 1, 2, 3, 4. Ce sont des pensées que l’on appelle neutralisantes. Ces pensées neutralisantes peuvent aussi passer par la répétition d’une phrase ou d’une formule cabalistique. Cela pour neutraliser une pensée de départ ou une angoisse. On dit qu’on est là dans la pensée magique. »

Comment savoir si je suis atteint de TOC ?

Dr François Laruelle : « Si je vérifie cinq fois que mon fer à repasser est bien débranché, je procède ainsi parce que j’ai peur d’être à l’origine d’une conséquence négative, en l’occurrence un incendie. Ma vérification initiale a pour objectif de lever l’angoisse. Le problème du rituel dans le TOC, c’est qu’il vous soulage à court terme. Donc, vous le reproduisez parce qu’à chaque vérification, il vous procure un soulagement. Sauf qu’à long terme, vous entrez dans un cercle vicieux. Bien souvent, ce n’est pas les situations qui posent souci, c’est ce qu’on en pense. »

Comment peut-on se libérer d’un TOC ?

Dr François Laruelle :  :  « On peut commencer par l’accepter. Si un TOC prend dix minutes par jour, on peut essayer de l’accepter et, à force, il va s’estomper, voire s’en aller. Ensuite, certains ont besoin d’aide parce que les TOC sont devenus envahissants et une souffrance. Si les TOC me prennent plusieurs heures par jour, on va alors mettre en place un traitement médicamenteux visant, dans un premier temps, à apaiser les angoisses. Ce sont des antidépresseurs, de la classe des ISRS (Inhibiteur Spécifique de la Recapture de la Sérotonine), qui sont des neuromodulateurs cérébraux. On va agir sur la sérotonine avec des doses supérieures à ce qu’on va prescrire dans une dépression classique. Ces inhibiteurs ne soignent pas le TOC. Ce sont des béquilles qui permettent d’attendre que la fracture consolide. L’antidépresseur va aider à tenir, à gérer, à supporter les TOC. Mais ce n’est pas le traitement de fond. Il va falloir suivre une psychothérapie qui va durer de douze à trente mois, selon la gravité des TOC. La psychothérapie, à mon sens, doit être comportementale. C’est-à-dire qu’on va amener à une exposition progressive avec prévention de la réponse ritualisée. On va se confronter à la situation qui déclenche l’anxiété et s’interdire d’enclencher la réponse ritualisée entière. Le patient va apprendre à hiérarchiser ses réactions. On va commencer par des situations très faciles, pour aller vers des situations de plus en plus difficiles. On va générer à chaque fois un peu d’angoisse, mais comme je tolère un peu d’angoisse, notamment avec l’aide des antidépresseurs, je peux progresser comme ça par degré. Jusqu’à retrouver un fonctionnement normal, d’abord avec les antidépresseurs, puis graduellement sans. »