Par

Léa Pippinato

Publié le

4 oct. 2025 à 9h37

Ce samedi 20 septembre 2025, dix personnes se sont assises autour de deux grandes tables au MO.CO. Panacée, à Montpellier. Toutes ont reçu une « ordonnance » pas comme les autres. Non pas des médicaments, mais une prescription culturelle. Au programme : deux heures de création guidée par l’artiste Chloé Viton, diplômée des Beaux-Arts en 2017. Ensemble, elles ont façonné des visages inspirés de la terre, de l’eau, du feu ou de l’air, en lien avec l’univers de Jean-Marie Appriou, exposé dans les salles voisines.

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L’expérience fait partie du dispositif « Art sur ordonnance », lancé en 2022. Gratuit et ouvert, il permet à des patients suivis pour dépression, anxiété ou pensées suicidaires de découvrir l’art en dehors du cadre médical.

L’art comme respiration

Béatrice s’est plongée dans les couleurs sans trop réfléchir aux éléments. « Je fais ce qui me passe par la tête », confie-t-elle. Chez elle, elle dessine, peint et manipule l’argile. Ici, elle profite d’un espace « psychologiquement vital. » Aidante pour son mari atteint d’Alzheimer, elle voit dans ces ateliers une bouffée d’oxygène : « Ça permet de s’évader un peu et de penser à autre chose. » Brigitte, habituée de ces rendez-vous, confirme l’importance du cadre. « On reçoit un mail, on s’inscrit si on veut. Personne ne nous oblige. » Elle savoure la rencontre avec les artistes, mais aussi « le travail en commun ». La première fois, elle a hésité. Aujourd’hui, elle sort « le cœur plus léger ».

L’atelier se déroule en lien avec l’exposition de Jean-Marie Appriou présentée au MO.CO. Panacée.
L’atelier se déroule en lien avec l’exposition de Jean-Marie Appriou présentée au MO.CO. Panacée. (©Métropolitain / LP)

Emma a choisi l’eau. Sa tête de personnage se pare d’algues et de coquillages. « Je suis partie sur Médusa », sourit-elle. Elle a commencé en avril et n’a plus quitté les ateliers. « À chaque fois, c’est une surprise, un nouveau processus. » Ancienne étudiante en arts plastiques, elle s’était éloignée de la création, et y revient avec intensité : « Quand je me suis arrêtée de travailler, je me suis dit que la première connexion dont j’avais besoin pour aller mieux, c’est l’art. » Pour elle, le dispositif a une valeur particulière : « Ce n’est pas de l’art-thérapie, mais de l’art qui fait du bien. On ne parle jamais de soin ici. On vient parce qu’on aime inventer. Et le collectif aide à rester spontané. »

Vidéos : en ce moment sur ActuMettre des couleurs sur les pensées

Sonia a peint un visage zébré de noir et de blanc. « C’est le bruit qu’il y a dans ma tête », souffle-t-elle. C’était sa première séance. « Je fais surtout du sport pour exprimer ce que je ressens. Là, c’est différent. » Bipolaire, elle cherche de nouveaux moyens de canaliser ses pensées. « Pour voir les résultats, il faudra attendre un peu, mais ça fait du bien de se concentrer sur quelque chose. » Stéphane a choisi la terre et colle des capsules de café usagées sur sa création. « Ça me permet de m’évader, d’oublier mes angoisses. » Volontaire depuis deux ans, il multiplie les activités créatives avec France Dépression et ailleurs. « Quand l’été arrive et qu’il y a moins d’ateliers, je broie du noir. Avec la rentrée, c’est une libération. » Son constat est clair : ces rendez-vous ont un impact direct sur sa vie quotidienne. « Si je ne fais rien, je mange davantage, je rumine. Quand mon esprit est occupé, je vais mieux. »

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Chaque participant imagine un visage différent, reflet de son univers personnel.
Chaque participant imagine un visage différent, reflet de son univers personnel. (©Métropolitain / LP)

Une centaine de personnes bénéficient chaque année de « l’Art sur ordonnance », à raison de deux heures par semaine pendant un mois. Le programme, soutenu par la Drac Occitanie, la Ville et le CHU, s’inspire d’expériences menées au Canada, en Belgique et en Grande-Bretagne depuis trente ans. L’OMS a confirmé dans un rapport que l’art pouvait améliorer la santé mentale. À Montpellier, l’idée est de quitter l’hôpital pour entrer au musée, loin des blouses et des murs blancs.

Au fil de l’atelier, les visages prennent forme. Certains brillent de bleu profond, d’autres s’ornent de capsules ou de zébrures. Tous traduisent une émotion, un instant de vie, une tentative d’apaisement. L’artiste Chloé Viton guide, encourage, rit parfois avec les participants. Au moment de ranger les pinceaux, le calme règne. « Quand je sors, je me sens bien », glisse Brigitte. Une phrase simple, mais qui dit tout de la force du projet.

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