Le Conseil de l’Europe, dont le siège est à Strasbourg, a une conception très stricte de la neutralité de ses agents, qui sont des fonctionnaires internationaux. Ceux-ci sont un peu moins de 2 000, essentiellement basés à Strasbourg. Ils doivent souscrire par écrit à la déclaration qui figure dès le premier article du statut du personnel : « Je prends l’engagement solennel d’exercer les fonctions qui me sont confiées en qualité de fonctionnaire international-e du Conseil de l’Europe en toute loyauté, discrétion et conscience, dans le respect de la confiance qui m’est ainsi faite et au service exclusif des intérêts du Conseil de l’Europe, sans solliciter ni accepter aucune instruction relative à l’exercice de mes fonctions de la part d’aucun gouvernement ni d’aucune partie extérieure à l’Organisation. »
En application de ce principe d’indépendance, le statut ferme la porte à toute possibilité de cumuler son emploi et une fonction élective. C’est l’article 1.9 qui stipule que « Tout-e agent-e qui se porte candidat-e à une fonction élective de nature politique, y compris de niveau local, est placé en congé sans traitement. L’agent-e qui est élu-e et accepte la fonction doit démissionner. »
Une institution un peu « schizophrène » ?
C’est ce qui a poussé le maire de Saverne Stéphane Leyenberger à démissionner en mai dernier de ses fonctions de juriste au sein de l’organisation, ainsi qu’il l’expliquait alors : « J’ai pris acte du nouveau statut des agents du Conseil de l’Europe qui ne permet plus aujourd’hui d’exercer de mandat électif. Puisqu’il faut choisir, je fais le choix du développement local, celui qui me tient le plus à cœur lorsque je me lève le matin. »
Cette règle très stricte est apparue en 2023. Elle semble aligner le Conseil sur les standards des grandes organisations internationales. Mais cette nouvelle mouture du statut n’est pas toujours comprise, dans la mesure où le rôle même de l’organisation est de promouvoir la démocratie et les droits de l’Homme. « L’institution est un peu schizophrène, regrette ce fonctionnaire qui requiert l’anonymat. Elle promeut l’État de droit, l’engagement démocratique et dans le même temps, elle dissuade ses agents de s’engager. » Il dit ne pas trop voir où est le conflit d’intérêts potentiel. Il dit aussi qu’en cas d’élection, c’est l’emploi et le traitement qui sont dans la balance alors même que toutes les fonctions électives ne donnent pas droit à une indemnité. Plusieurs agents seraient tentés de s’investir dans une campagne électorale à venir mais le statut les en dissuade et ils le regrettent d’autant plus que cette règle n’existait pas au moment de leur recrutement.
« J’étais le seul à alerter à l’époque, rappelle de son côté Stéphane Leyenberger. Je regrette cette décision [d’ajouter au statut l’obligation de choisir en cas d’élection] car je pense qu’il y a un vrai intérêt à ce que les agents aient une expérience locale et inversement. »
Les élections municipales françaises de mars prochain sont le premier scrutin local depuis la réforme du statut.