Feu Jean-Marie Le Pen, grisé par le succès de sa formation aux élections législatives de 1986 (35 députés entraient à l’Assemblée Nationale grâce à la proportionnelle voulue par François Mitterrand) s’était laissé aller, en 1987, à son vieux penchant antisémite en déclarant goguenard que les chambres à gaz avaient été « un point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale ».

Marine à la tête du parti créé par son géniteur, tirera les conséquences des nombreuses dérives lexicales du fondateur du Front National. Elle l’excluait, en 2015, de la formation dont elle avait pris les rênes en 2011. Le FN, qui deviendra en 2018 le Rassemblement National, pouvait entamer sa mue et surtout entreprendre de se « dédiaboliser ». Avec succès comme l’attestent ses résultats à divers scrutins ou ses performances dans les sondages. La morale de cette sombre fable est que dans la vie politique le diable se loge parfois dans les détails. La preuve par Marseille.

La semaine qui vient de s’écouler dans notre bonne ville a été marquée par ces « points de détail » chers au « menhir » frontiste qui ne s’inscriront sans doute pas dans la longue histoire phocéenne. Mais ils alimentent jour après jour les conversations de comptoir. Les spéculateurs au rabais peuvent aujourd’hui compter sur le porte-voix des réseaux sociaux pour prétendre atteindre l’aura d’un prix Nobel pour paraphraser l’écrivain et sémiologue Umberto Eco.

Martine Vassal et le « féminicide politique »

Ainsi apprend-on que des élues de la droite, réputées républicaines, font corps avec la présidente de la Métropole et du Département pour reprendre à leur compte l’expression de Martine Vassal. Cette dernière, à propos de ses tracas judiciaires, a osé parler de « féminicide politique ».

Vassal - Muselier - RenaissanceMartine Vassal lors de sa rencontre mercredi 1er octobre avec les cadres et représentants des comités marseillais de Renaissance (Crédit DR)

Et tant pis si dans cette audacieuse formule on assimile le chemin de croix de trop de femmes, avec les chemins de traverse que les magistrats reprochent à Mme Vassal d’avoir pris. Avant de crier à l’assassinat, il aurait sans doute été plus judicieux de bâtir une défense documentée, la présomption d’innocence de l’élue candidate aux prochaines municipales restant entière. Mais ce camp a choisi de sous-entendre que la justice pouvait « tuer » politiquement. On pourrait rappeler à cette gent féminine que c’est un prince issu de son camp, le prince Michel Poniatowski, qui affirmait qu’en politique « on ne blesse pas on tue ! »

C’est sans doute un détail encore, mais on remarquera que cette stratégie s’inscrit dans le sillage de celle d’un certain Nicolas Sarkozy qui joue la victimisation là où un débat juridique serait salutaire. « La justice de l’intelligence est la sagesse, prévenait Platon. Le sage n’est pas celui qui sait beaucoup de choses, mais celui qui voit leur juste mesure. »  On pourrait aussi reprendre la chanson de Colette Renard : « Marseille, tais-toi Marseille. Tu cries trop fort. Je n’entends pas claquer les voiles dans le port ! ». Mais dans le tohu-bohu généralisé qui entendra ?

Stéphane Ravier se rallie à Franck Allisio

Etrangement c’est un fort en gueule, le sénateur Stéphane Ravier ex-Front National, « Jean-Mariste » éploré, ex-Reconquête, qui a montré l’exemple en se retirant de la campagne des municipales sur la pointe des pieds. La mâchoire un poil crispée – l’émotion sans doute – il est allé, dans un geste plein de panache, jusqu’à annoncer qu’il appelait au rassemblement derrière le député Franck Allisio. Il a donc « rangé, selon ses vœux, les flingues » et oublié les gentillesses que distillait Allisio à son égard : « qui a trahi, trahira ! »

Stéphane Ravier annonce son départ du RN devant sa permanence le 10 février (Crédit twitter Stéphane Ravier)Stéphane Ravier annonce son départ du RN devant sa permanence le 10 février 2022 (Crédit twitter Stéphane Ravier)

Finies les déclarations coup de poing, les affirmations borderline, les rodomontades viriles. Plus de ça au pays des bisounours puisque Ravier le jure ; désormais sa seule préoccupation c’est « le peuple historique » de Marseille. Il prend du coup le risque qu’on se perde dans les détails de l’histoire d’une cité vieille de 2600 ans, Massalia, à la population, de tous temps, plurielle.

Des Celto-Ligures aux Ségobriges, des Gaulois aux Grecs, des Wisigoths aux Francs, des Italiens aux Espagnols, des Africains aux rapatriés d’Algérie, des Sépharades aux Ashkénazes, des Comoriens aux Maghrébins, Ravier reconnaitra les siens. Bien que retiré de la course, il brandit encore et toujours la menace du « grand remplacement » des purs Marseillais par ceux qu’un temps Charles Martel avait stoppé à Poitiers. Tournons la page et n’insinuons pas que les ennuis judiciaires ou la future candidature de l’élu d’extrême-droite aux sénatoriales soient pour quelque chose dans sa décision.

Lionel Royer-Perreault se retire

Parmi les épisodes de cette actualité féconde une nouvelle, qui ne bouleversera pas les foules mais qui a occupé deux pleines pages dans le nouveau format de La Provence. L’ancien maire des 9e-10e, Lionel Royer-Perreault revient sur 36 ans de vie politique. L’amertume, mâtinée d’un brin de soulagement, teinte ses déclarations.

Passé par un grand écart audacieux de l’extrême droite de la députée varoise Yann Piat (assassinée en 1994) au droitier extrême Guy Teissier, pour achever sa diagonale à Renaissance l’élu et ex-député marseillais ne soutiendra pas Martine Vassal.

Archives Gomet’

Après 20 ans de mandats et plus de 40 ans de vie politique, il affirme ne plus se « reconnaître dans la violence physique et verbale et dans la radicalisation du débat ». Là encore on notera que le temps fait le sage pour cet édile qui était surnommé « Goebbels » (ministre de la propagande de Hitler) par ses adversaires lorsqu’il prospérait à l’ombre de Teissier.

Mais trop c’est trop et, pour faire mentir cette mauvaise réputation, Lionel Royer-Perreault confie à nos confrères la raison qui a déclenché son départ des Républicains en 2022. Valérie Pécresse reprenait alors à son compte la métaphore du « Kärcher » chère à Nicolas Sarkozy. Ce n’était pas un détail pour lui mais la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Restent les regrets et une conviction derrière ses lunettes embrumées en évoquant la mémoire de Jean-Claude Gaudin : « c’était un homme qui avait une grande vision ». Lionel Royer-Perreault part donc à la retraite. Ses ennemis diront qu’il bat en retraite. En politique, on ne fait pas de détails.