Union de la gauche, place des collectifs citoyens, profil de la future équipe… Anne-Laure Chaintron, cheffe de file LFI, revendique une campagne « de terrain et de programme ». Quelques jours avant la présentation de la liste, la France Insoumise niçoise précise dans Nice-Presse Dimanche quelques grands axes de son projet. 

Gagner en 2026, vous y croyez vraiment ? Les forces de gauche sont à nouveau dispersées, et l’alliance PS/PCF/Écologistes a décidé de partir sans vous…

Ils ont tout verrouillé très tôt. Qu’ils assument. Nous, on a proposé une méthode, une place réelle pour la société civile. Les portes n’étaient pas ouvertes ? Très bien, on fait notre route. L’objectif est d’arriver en position de force au soir du premier tour. Sur le terrain, on se rend compte que peu de monde connaît leur tête de liste, Juliette Chesnel-Le Roux, alors qu’elle siège au Conseil municipal depuis plusieurs mandats…

On vous reproche d’avoir voulu « imposer » vos conditions, ce qui aurait braqué les discussions. C’est vrai ?

Ça s’appelle… une négociation. On ne « pose » pas des totems, on construit quelque chose de crédible et pluraliste. Une liste municipale, c’est une équipe qui va siéger et travailler en collectif pendant six ans. On veut des syndicalistes, des associatifs, des habitants des quartiers, des techniciens des politiques publiques.

Qui seront vos colistiers ? Vous ou Olivier Salerno comme tête de liste, des membres de Viva! (David Nakache, Mireille Damiano,…) et d’ex-candidats, comme Enzo Giusti ?

Nous dévoilerons notre tête de liste le 12 octobre prochain. Détrompez-vous, il ne s’agira peut-être pas d’Olivier ou de moi (sourire). Un mélange assumé : figures de la société civile, militants de terrain, acteurs des quartiers populaires, compétences reconnues (logement, éducation, mobilité). Des visages connus, d’autres émergents, bien sûr. Pas des professionnels de la politique, mais des gens fiables et disponibles. On révèlera tout ceci au fur et à mesure.

Êtes-vous vigilants sur les profils qui vous rejoignent ? 

Oui, bien sûr. Parce qu’une élection municipale, ce n’est pas un jeu télévisé où on vote pour une personne et puis après elle ferait ce qu’elle veut. On vote pour une équipe. Et une équipe, elle doit être soudée, complémentaire. Nous avons déjà des forces vives avec lesquelles nous travaillons depuis longtemps, des personnes engagées dans le social, l’écologie, le syndical, l’associatif. Ce sont des gens légitimes. 

Nice est l’une des villes les plus équipées en caméras de vidéoprotection. Souhaitez-vous maintenir ce dispositif, le réduire ou imposer un moratoire, comme dans d’autres villes de gauche ? Quels moyens concrets comptez-vous mettre en place pour sécuriser la ville autrement ?

(Cette interview a été réalisée avant la fusillade de vendredi soir, NDLR) Soyons francs : les caméras, c’est une illusion de sécurité. On a dépensé des millions d’euros, et est-ce que la délinquance a disparu ? Non. 

Les rapports sont clairs : leur efficacité est marginale, alors que l’argent public part en fumée. On doit réévaluer l’ensemble du dispositif, caméra par caméra, et remettre les moyens là où ça marche vraiment : la présence humaine, la prévention, la médiation. 

La sécurité, ça ne se règle pas à coups de caméras ni de vigiles privés. Ça se règle par une police municipale qui redevient un service de proximité, par du travail social, par de la lumière dans les rues, des transports fiables, des quartiers vivants.

4D2A0211 edited[© Romain Boisaubert / Nice-Presse]

Votre parti veut désarmer la police municipale. Êtes-vous pour ou contre à Nice ?

(Sourire) La majorité des soutiens de Viva! que je vois chaque semaine y est favorable.

Vous défendez également la gratuité des transports. Comment financez-vous cette mesure ? En renonçant à construire les lignes 4 et 5, vers Cagnes et Drap ?

On caricature beaucoup. La gratuité, ce n’est pas une lubie : c’est un choix politique. Le financement existe. D’abord, avec le versement-mobilité payé par les entreprise. Ensuite, la fin de certains gaspillages : on met des millions dans des contrats privés de sécurité ou dans des projets d’urbanisme pharaoniques, que l’on pourrait flécher vers les transports.

Et puis il y a l’État et l’Europe : ils ont financé la ligne 3, ils peuvent continuer à nous accompagner. Le coût du transport aujourd’hui, c’est une double peine. Les Niçois paient leur ticket ou leur abonnement, et ils paient aussi leurs impôts pour financer le réseau. La gratuité, c’est plus de voitures laissées au garage, moins de pollution, et des milliers de foyers qui respirent financièrement. C’est une mesure de justice sociale et de santé publique.

La crise du logement est intense à Nice, avec des familles qui partent et parfois des actifs qui ne viennent même plus. Que faire ?

Aujourd’hui, on est à 14 % de logements sociaux alors que 20 % des Niçois vivent sous le seuil de pauvreté. C’est indécent. On a des familles entières condamnées à s’entasser dans un deux-pièces hors de prix ou à fuir la ville. 

On doit bloquer la spéculation : Airbnb et la location touristique de masse ont siphonné le parc locatif. Un logement, ce n’est pas une machine à cash pour investisseurs. Enfin, on investit massivement dans la réhabilitation et la surélévation de l’existant plutôt que de bétonner toujours plus. C’est possible, et ça évite d’artificialiser des sols déjà saturés. Aujourd’hui à Nice, se loger est devenu un luxe. Nous voulons que ce soit un droit.

Sur le plan national, La France insoumise a été la seule formation à ne pas qualifier les attaques du Hamas, le 7 octobre 2023, pour ce qu’elles sont : terroristes. Reconnaissez-vous aujourd’hui qu’il s’agissait d’actes de terrorisme ?

On nous repose toujours cette question. Ce qui compte pour moi, c’est que depuis le début, nous nous référons au droit international. Et nous tenons cette ligne sans plier, malgré les attaques. L’une des bases du programme du NFP (Nouveau Front Populaire), partagée par tous, c’est la reconnaissance de l’État de Palestine et la solution à deux États. C’est ce que nous défendons depuis le départ. 

Et aujourd’hui, même le président de la République a fini par reconnaître l’État de Palestine. Cela veut dire que l’on avait raison de tenir bon. Nous ne sommes pas dans une position de complaisance, nous avons toujours parlé de droit, de justice, de protection des civils, d’éducation populaire pour mieux comprendre ce qui se joue là-bas.

Beaucoup d’électeurs juifs niçois estiment que cette position a braqué une partie de l’opinion. Comment comptez-vous regagner leur confiance ?

D’abord, je le dis clairement : l’antisémitisme est une forme de racisme, et nous combattons toutes les formes de racisme. Il est hors de question de transiger là-dessus. Dire que nous serions antisémites, c’est faux, et pour nous, c’est même une insulte violente. 

Nous ne sommes pas dans l’ambiguïté : nous défendons tous les habitants de cette ville, et nous lutterons contre toutes les haines. À Nice, nous savons aussi qu’il y a une extrême droite, des identitaires, qui tiennent des propos antisémites scandaleux. Que l’on fasse bien la différence : eux portent un héritage historique antisémite, nous, non.