Vice-présidente du conseil régional chargée de l’éducation, des lycées, de l’orientation et de l’apprentissage, Marie-Florence Bulteau-Rambaud détaille pour Nice-Presse Dimanche les grands chantiers en cours dans les Alpes-Maritimes. Rénovation, sécurité, transition écologique… Elle défend une action «pragmatique», adaptée aux réalités du terrain.

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Après les récents drames, notamment l’attaque perpétrée au lycée horticole d’Antibes le 10 septembre dernier, où en est la politique régionale de sécurisation des établissements ?

C’est un sujet que nous prenons à bras-le-corps avec Renaud Muselier. Depuis 2016, la Région a investi 112 millions d’euros pour sécuriser nos établissements. Aujourd’hui, 100 % des lycées disposent de dispositifs de protection : contrôle des accès, vidéoprotection, loges d’accueil avec agents formés, parfois des tourniquets. Nous avons aussi déployé 178 médiateurs aux abords des établissements. Mais il faut être lucide : le risque zéro n’existe pas. On l’a vu, les incidents récents rappellent la complexité de la question.

Dans les pros ou agricoles, la circulation d’outils, de couteaux ou l’absence de clôture posent des difficultés particulières. Comment gérer ces situations sans les transformer en forteresses ?

Les lycées agricoles sont un vrai sujet. Par nature, ils s’étendent souvent sur plusieurs hectares, sans clôture, et accueillent du public extérieur, dans leurs magasins de vente. On ne peut pas barricader une exploitation agricole ou un domaine viticole. Quant aux lycées hôteliers, leurs élèves travaillent forcément avec des couteaux et du matériel professionnel.

C’est pareil dans d’autres filières techniques où il y a des tournevis, des ciseaux, etc. Cela crée une vulnérabilité supplémentaire, mais on ne peut pas empêcher les jeunes d’apprendre leur métier. Rien ne remplace donc le contrôle visuel et humain : proviseurs, CPE, AED, agents d’accueil, qui connaissent leurs élèves et peuvent repérer un comportement anormal.

Vous évoquez 178 médiateurs déployés aux abords des établissements. Est-ce suffisant ? Et jusqu’où peut-on aller dans les contrôles, sachant que la fouille des sacs n’est pas du ressort des personnels de l’Éducation nationale ni de la Région ?

Il faut rester pragmatiques. Fouiller les sacs n’est pas du ressort ni des agents régionaux, ni des personnels de l’Éducation nationale, en effet, seuls les policiers y sont habilités. On l’a vu récemment à Menton : grâce à une fouille de la police, des couteaux ont été interceptés avant qu’ils n’entrent dans un lycée. Ce qui fonctionne, c’est de multiplier les contrôles aux accès, différencier les alarmes (intrusion, incendie…), demander systématiquement une pièce d’identité aux visiteurs extérieurs. 

Et renforcer la présence humaine : nos médiateurs, souvent des jeunes en BPJEPS, sont précieux. Ils arrivent à désamorcer des tensions entre élèves avant qu’elles ne dégénèrent. C’est souvent aux abords que les incidents se produisent, et leur présence est un vrai filet de sécurité.

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Suite à la tempête Alex, Christian Estrosi avait alerté sur une probable catastrophe autour du Lycée Guillaume Apollinaire, construit au-dessus d’un fleuve, en cas d’intempéries. La Région va-t-elle le détruire ?

Non. Il n’y a pas de projet en ce sens aujourd’hui. Évidemment, si un problème de sécurité venait à apparaître, nous l’étudierions. Mais ce n’est pas le cas. On ne met pas les élèves en danger : quand un établissement est réellement menacé, comme le lycée du Golf Hôtel d’Hyères, inondable, nous le reconstruisons ailleurs.

Quels résultats obtenez-vous pour ce qui est du verdissement ?

A chaque réhabilitation, nous intégrons le maximum d’espaces verts et de plantations. Tous les établissements sont différents : certains disposent de grands terrains, d’autres non. Mais même à petite échelle, nous tenons à apporter de la végétation, des tonnelles, des espaces rafraîchissants. On le constate, quelques degrés de moins font une réelle différence pour les élèves, les enseignants et nos agents, notamment lors des périodes de canicule.

La climatisation partout, souvent citée, est-elle une option ?

Non. D’abord pour des raisons environnementales, ensuite parce que d’autres solutions existent et font leurs preuves. Nous installons par exemple des brasseurs d’air. C’est ce que nous avons observé à La Réunion, où la chaleur est présente toute l’année et où les lycées fonctionnent très bien sans climatisation. Nous utilisons aussi des films sur les vitres, des rideaux occultants, des brise-soleil… Ce sont des dispositifs plus respectueux et efficaces à long terme.

De nouveaux établissements seront-ils construits ? 

Oui. Contrairement à d’autres régions qui ferment des lycées, nous en construisons deux : à Allauch et au Luc. Dans ces projets, nous privilégions des solutions architecturales intégrant la végétation, l’ombre naturelle, et des systèmes de ventilation «passive», type puits canadiens. L’objectif, c’est que dans 50 ou 100 ans, ces bâtiments soient toujours adaptés au climat.

Et dans les Alpes-Maritimes ?

Dans le 06, il n’y a pas de projet de construction, mais plusieurs chantiers lourds de rénovation. Le plus emblématique étant celui du lycée Masséna, à Nice, avec un plan en dix phases successives, d’environ 50 millions d’euros d’investissement, dont déjà 8 millions consacrés à l’internat.

C’est complexe car le bâtiment est classé, soumis aux prescriptions des architectes des bâtiments de France. D’autres opérations concernent le gymnase d’Estienne d’Orves (terminé) et celui de Carnot (en cours). Au total, pour les Alpes-Maritimes, ce sont près de 75,5 millions d’euros qui ont été engagés récemment !

Quels moyens pour les CFA, les centres de formation d’apprentis ?

Même si la compétence a été transférée à l’État, nous restons très présents. Pour 2025, nous allons soutenir 20 dossiers de CFA dans le 06, pour un montant global de 3,8 millions d’euros. Nous conservons deux enveloppes : environ 7 millions d’euros pour l’investissement, 3 millions pour l’équipement. En 2024, nous avons soutenu par exemple le CFA du bâtiment Antibes et celui de Nice. En 2025, nous allons aussi aider le Pôle national supérieur de danse Rosella Hightower à Cannes.

Le CFA de Carros, lui, est régulièrement cité comme l’un des fleurons de la région. 

C’est un établissement important, oui, mais pas unique. Nous avons d’autres pôles d’excellence à Marseille, Toulon, etc. La vraie inquiétude aujourd’hui, c’est la baisse annoncée du nombre d’apprentis. Nous étions à 71.300 apprentis début 2024 dans la région, 15.600 dans les Alpes-Maritimes. Cette rentrée, nous tombons à 69.000 et 14.600 dans le 06. La raison est claire : la réduction des aides aux employeurs, qui étaient incitatives. Cela risque de freiner les embauches, ce qui est dommage car l’apprentissage est une voie d’excellence, du CAP jusqu’au diplôme d’ingénieur.