Au moment de mettre la dernière main à son gouvernement dimanche, le premier ministre français Sébastien Lecornu tente d’apaiser des tensions croissantes au sein de la coalition susceptible de le soutenir, entre un camp présidentiel contrarié et des alliés de droite qui entretiennent le suspense quant à leur participation.
Une dernière étape à franchir pour le nouveau locataire de Matignon, avant son discours de politique générale mardi. «Tout en restant fidèle à nos valeurs, et en prenant acte de nos différences, nous avons décidé d’une feuille de route qui nous rassemble». Dans une lettre transmise aux dirigeants du camp présidentiel et des Républicains (LR, droite) dans la nuit de samedi à dimanche, le chef du gouvernement a plaidé pour l’union, espérant balayer les divergences qui traversent son camp.
Car avant de négocier sa survie politique avec l’opposition parlementaire, Parti socialiste en tête, Sébastien Lecornu doit s’assurer que ses alliés le soutiennent.

Michel Barnier, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau en septembre 2024. — © JEFF PACHOUD / AFP
Le patron des députés LR Laurent Wauquiez a ainsi estimé dimanche que «les conditions (n’étaient) pas réunies» pour participer au gouvernement, ont indiqué à l’AFP des participants à une réunion des parlementaires de la droite.
«Je respecterai la décision collective», a cependant affirmé Laurent Wauquiez, jugeant que la lettre d’engagement du premier ministre répondait à «très peu de nos demandes», en particulier sur l’immigration, la sécurité et le travail. «Participer, c’est cautionner. Faire à nouveau un chèque en blanc, ce serait une erreur, par rapport à nos convictions et ce qu’on veut pour le pays», a ajouté le député de Haute-Loire, appelant son parti à «ne pas revivre ce qu’on a connu avec François Bayrou».
A l’inverse, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur sortant, a plaidé pour une participation, de peur que LR soit tenu comme «responsable du chaos», ont indiqué ces sources, précisant que le président du Sénat Gérard Larcher et l’eurodéputé François-Xavier Bellamy soutenaient la démarche du patron des Républicains.
Bruno Retailleau, qui a mis la pression au cours des derniers jours sur Sébastien Lecornu pour obtenir des concessions, a estimé que le poids de son parti au Parlement allait «permettre de peser. C’est une garantie».
Une majorité introuvable
En place depuis le 9 septembre, Sébastien Lecornu a multiplié les consultations afin de tenter de résoudre l’équation d’une majorité introuvable et d’échapper à la censure dès le prochain écueil, le vote du budget 2026 à l’automne, comme cela avait été le cas pour son prédécesseur François Bayrou. Mais il peine à mettre un dernier coup de pinceau à son équipe gouvernementale.
Et Emmanuel Macron, qui va devoir valider la liste, pourrait bien trouver le temps long: selon un interlocuteur régulier du président, celui-ci a demandé à son premier ministre de former son gouvernement avant la fin du week-end, avec une équipe resserrée autour de 25 ministres. La présentation du futur exécutif pourrait toutefois n’intervenir que lundi matin.
Dans son courrier, le premier ministre égrène tout de même les grands axes de la politique qu’il entend mener, érigeant le soutien du socle commun comme un «préalable indispensable». Sébastien Lecornu plaide pour porter l’effort budgétaire «essentiellement sur la réduction de la dépense publique», et appelle à répondre «à la demande de justice fiscale exprimée par nos concitoyens».
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Il promet un projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et sociale, pour dégager 2,3 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
En parallèle, la France insoumise (LFI, gauche radicale) promet déjà une motion de censure dans la semaine. Comme les Ecologistes de Marine Tondelier, qui a répété dimanche ne pas voir «d’autre chemin que la censure» et envisage de déposer un texte «unitaire» pour tenter de renverser Sébastien Lecornu.