Par

Dorine Goth

Publié le

6 oct. 2025 à 6h28

À l’image de New York et son « billionaire’s row », Paris a-t-il son « fast-food row » place de la République ? Sur la tranche sud de la place du 3e arrondissement de Paris, cinq adresses mythiques de la restauration américaine se tirent la bourre sur une langue de trottoir longue de 150 mètres. Les historiques Mc Donald’s, KFC et Burger King ont récemment été rejoints par Popeyes et Five Guys. « C’est vrai qu’on a un peu toute la gamme », commente Dorine Bregman, adjointe au commerce de Paris Centre.
Mercredi 24 septembre 2025, à l’heure du déjeuner, les cadres -jeunes et moins jeunes-, les familles et les étudiants se croisent dans la salle panoramique de ce dernier, inauguré en novembre 2024. L’occasion de se payer « le burger préféré de Barack Obama » avec une vue surplombante sur les skateurs qui ont fait des dalles de béton leur terrain de jeu favori. « La plus grande place de style haussmannien de Paris importe l’art de vivre américain », résume Jean-Pierre Olivier, président de l’association de commerçants et riverains du quartier.

Des adresses historiques

Leur histoire avec République ne date pas d’hier. Dès 2004, KFC est le premier à débarquer sur une place qui est alors encore qu’un grand carrefour giratoire. Il est suivi en 2008 par Mc Donald’s, quelques années avant les travaux de transformation. En 2017, Quick est transformé en Burger King. « Elle est devenue ce que l’on voulait. Un lieu de destination aussi bien pour les habitants, que les gens de passage ou encore les touristes. Tout le monde a su se l’approprier alors qu’avant, on n’y allait pas », se réjouit Jean-Pierre Olivier, lui-même habitant du quartier. 

Jusqu’ici, la place reste au statu quo. Trois fast-foods américains cohabitent avec d’autres grandes chaînes de restauration -Hippopatamus, Buffalo Grill-, des brasseries et des commerces de détail comme Camaïeu ou Courir.

Nouvelle arrivée remarquée en 2023. C’est cette adresse, en remplacement du Buffalo Grill, que le spécialiste du poulet frit Popeyes choisit pour ouvrir son deuxième restaurant à Paris. La même année, Starbucks remplace Courir au sud. Un an plus tard, les anciens locaux de Camaïeu sont investis par Five Guys après la faillite du groupe de Michel Ohayon. « C’est devenu une image de marque. Tout le monde veut y planter son drapeau », se réjouit le président de l’association de riverains.

République : the place to be

« C’est un endroit phare où il faut être, une adresse qu’on a longtemps cherchée et attendue », atteste Constance Ergand, responsable communication et marketing chez Five Guys. Ses atouts : « Son un hub de transports avec cinq lignes de métro et sa clientèle qui peut être touristique, locale ou encore de travailleurs. C’est ce cumul des trois que l’on cherche », énumère Silvère Fonfroide de Lafon, directeur régional chez Five Guys.

Mais l’offre arrive-t-elle à saturation ? Selon les derniers chiffres de la Chambre de commerce et d’industrie communiqués à actu Paris, près de la moitié de l’offre d’hôtellerie et restauration de la place est tenue par des fast-foods (chaînes et snacks) en 2025, contre un tiers en 2014. « Si on pense à la formule service rapide avec burger + frites + soda, oui on a une grosse catégorie de concurrent. Mais en réalité, on n’a pas le même positionnement, ni la même clientèle, ni le même concept. La liste de concurrents diminue si on dit que nos produits sont préparés sur place et est réduite à zéro si on ajoute que 100 % de nos burgers sont personnalisés », balaye Silvère Fonfroide de Lafon.

Le restaurant Five Guys de plus de 600 m² offre une vue panoramique sur la Marianne de la place de la République.
Le restaurant Five Guys de plus de 600 m² offre une vue panoramique sur la Marianne de la place de la République. (©DG / actu Paris)

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Si la firme américaine ne veut pas communiquer sur ses chiffres de fréquentation depuis son ouverture, ses responsables se disent « satisfaits ». « Les volumes correspondent aux attentes qu’on s’était fixées », partage notre interlocuteur.

Les américains rois du Monopoly

Reste aussi que la place se vend aux plus offrants, alors que la majorité des immeubles est tenue par des banques ou des compagnies d’assurances. Et à ce jeu-là, les dollars américains sont en force. « Ce sont des locaux avec des loyers très élevés et la mairie n’a pas à intervenir dans les transactions privées. Le propriétaire a un prix et va simplement chercher l’entreprise qui peut se le payer. Les indépendants et les commerces locaux préfèrent s’installer dans les rues adjacentes où l’offre est foisonnante », explique Dorine Bregman. Sur le trottoir, Café République, seul restaurant indépendant, fait figure d’ultime gaulois.

À l’heure où le commerce à Paris fait grise mine, avec des quartiers désertés, on préfère se réjouir de la vitalité de la place de la République. « Elle évolue avec les demandes de son époque. On n’a pas une cellule qui reste vide très longtemps », dresse Jean-Pierre Olivier. Seule exception dernièrement, l’ancien Habitat, sur la tranche nord fermé depuis quasiment deux ans. Celui-ci devrait prochainement laisser place à un Lidl. « Ça par contre, ça ne nous convient pas. On n’a jamais eu de supermarché sur la place, ça n’a pas de sens », commente le représentant du quartier.

République populaire

Avec sa restauration rapide, ses deux bouillons où on mange vite et pour pas cher et bientôt son Lidl, République serait-elle en train de se spécialiser dans une offre à bas prix ? « On ne peut pas dire ça. Lidl n’est pas qu’une enseigne low-cost, de nombreux produits sont salués pour leur qualité. Les modes de consommation sont aujourd’hui beaucoup plus mouvants. Les gens ne vont pas au fast-food tous les jours, mais tout le monde y va de temps en temps. Pareil pour les supermarchés. Les habitants auront le choix entre plusieurs types d’enseignes allant de l’épicerie Miyam, réputée pour ses produits locaux et sourcés, au Lidl », répond Dorine Bregman.

Côtés riverains, on préférerait voir s’installer un bijoutier. « Mais là, je rêve », sourit Jean-Pierre Olivier. Pour ça, il faut plutôt aller du côté de Vendôme. Chacun sa place à Paris.

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