Les « Omas gegen Rechts », « mamies contre la droite », manifestent à Brême, le 8 février 2025. HAUKE-CHRISTIAN DITTRICH / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP
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Elles sont reconnaissables entre mille dans les foules avec leurs bonnets tricotés multicolores, des pancartes blanches ornées de grosses lettres noires à la main et un badge clipsé à la veste où il est écrit : « Mamies contre l’extrême droite ».
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Ces manifestantes particulières se mêlent en nombre aux centaines de milliers de personnes qui défilent depuis plusieurs semaines contre l’extrême droite en Allemagne. Des marches pour alerter sur la montée du parti le plus à droite de l’échiquier politique allemand, Alternative pour l’Allemagne (AfD), juste avant les élections législatives du 23 février prochain. Crédité de 21 % dans les derniers sondages, il pourrait décrocher la seconde place aux législatives, derrière les conservateurs CDU/CSU, même si ses chances d’arriver au pouvoir sont nulles, faute d’alliés.
Dimanche 16 février encore, ils étaient plus de 30 000 à clamer leur colère et leur crainte dans les rues de Berlin. Dans ce cortège figuraient bien sûr ces habituées à tête blanche, les « Omas gegen Rechts » – traduisez « Les mamies contre l’extrême droite ». Agées de 50 à 90 ans environ, ces grands-mères se battent pour la démocratie, la diversité et la tolérance. « Nous nous engageons contre les mouvements populistes de droite, contre l’exclusion des personnes issues de l’immigration, contre toute forme de stigmatisation, contre toutes les formes de violence », est-il indiqué sur le site internet de l’association allemande.
« Préserver un Etat constitutionnel libre »
Le mouvement des « mamies contre l’extrême droite » est totalement décentralisé : à chaque bureau régional son fonctionnement, malgré le cadre associatif. Elles sont environ 30 000, réparties en 200 groupes dans toute l’Allemagne, estimait en août dernier l’une des deux présidentes du mouvement Jutta Shaikh dans une interview au « Frankfurter Rundschau ».
Et le nombre de militantes augmente à vue d’œil dans ce contexte où l’extrême droite est omniprésente : plus de 100 nouveaux groupes ont été créés après une réunion secrète de l’AfD où un plan de « remigration des étrangers » avait été présenté il y a un an.
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Le but de ces grands-mères ? Relayer auprès des plus jeunes les leçons du passé. « Le danger qui pèse sur notre démocratie est en effet grand ; certaines choses rappellent beaucoup 1933. Il ne faut pas dormir dans une démocratie, sinon on se réveille dans une dictature », expliquait Jutta Shaikh, 74 ans, dans cette même interview. Elle souligne que les « mamies contre l’extrême droite » souhaitent avant tout « préserver un Etat constitutionnel libre pour [leurs] enfants et [leurs] petits-enfants ».
Un mouvement créé en Autriche
Les « Omas » n’ont pas attendu la dernière ligne droite avant le scrutin pour se mobiliser. Le mouvement est originaire d’Autriche : en 2017, à Vienne, la journaliste Susanne Scholl et la théologienne et psychothérapeute Monika Salzer fonde les « Omas gegen Rechts » en réaction à la coalition entre le gouvernement conservateur du chancelier Sebastian Kurz (ÖVP) et le parti nationaliste d’extrême droite FPÖ.
Ces séniors en colère passent la frontière germano-autrichienne au printemps 2018. Un an plus tôt, l’AfD, fondée en 2013, venait de faire son entrée au Parlement allemand, une césure dans la vie politique du pays.
La seconde présidente des « Omas gegen Rechts », Anna Ohnweiler, 74 ans également, se souvient auprès du journal « Vorwarts » – celui du parti démocrate allemand (SPD) – de l’importation de l’initiative en Allemagne : elle avait dressé la table pour le thé autour d’une tarte aux pommes et invité ses amies pour réfléchir à « comment combattre les nazis ». Alors retraitée depuis trois ans, elle avait eu une carrière politique au sein du parti chrétien démocrate allemand (CDU) avant de rejoindre le parti social-démocrate (SPD).
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Mais son objectif désormais, comme celui de toutes ces grands-mères mobilisées, est de parler aux plus jeunes, de plus en plus tentés par l’AfD. « Il faut maintenant chercher des solutions pour les reconquérir, s’est alarmé Anna Ohnweiler à « Vorwarts » en novembre dernier. J’ai peur pour mes enfants et mes petits-enfants. Ils ne savent pas ce que c’est que de vivre dans une dictature. »
Les 3 et 4 août derniers, les « Omas gegen Rechts » ont organisé leur premier congrès en Thuringe, au centre de l’Allemagne. Un territoire de l’ex-RDA où l’AfD est arrivée en tête des dernières élections régionales et compte de nombreux militants.