L’arrivée d’un nouveau franchisé en août a «tout changé» selon les salariés du Quick de Mérignac. Ils critiquent les méthodes et les conditions de travail provoquées par sa venue.
Depuis deux mois, la tension est palpable au sein du Quick de Mérignac, à l’ouest de Bordeaux. Tout a commencé le 1er août, quand un nouveau franchisé a repris le restaurant fast-food. Le point de départ d’une véritable «descente aux enfers», selon plusieurs salariés. Sous sa direction, les employés affirment avoir vu les conditions de travail se détériorer rapidement. «En vingt ans de restauration rapide, je n’ai jamais vu ça», déplore Hayat El Ghannami, directrice du restaurant.
L’un des premiers points de discorde : le nouveau règlement intérieur de l’établissement, que Le Figaro a pu consulter. Celui-ci imposait initialement d’avoir «le visage rasé à blanc du jour» pour les hommes, ou interdisait «de porter du henné» et «des pauses pour rompre le jeûne pendant le Ramadan». Des consignes perçues comme «islamophobes» et «discriminatoires» par la majorité des membres du personnel. Selon Hayat El Ghannami, la direction aurait même «proposé des ruptures conventionnelles à ceux qui refusaient de se raser», sous peine de licenciement, alors que les recommandations de Quick France imposent seulement un masque «cache barbe».
Le franchisé revient sur son règlement intérieur
Autre sujet sensible : le port du voile. Le règlement intérieur stipulait qu’il était interdit dans les zones réservées au personnel, une mesure touchant directement trois employées. «On est face à de la discrimination pure et dure. L’un des collaborateurs du franchisé est arrivé et au bout de quelques jours, il a dit : »ils ont tous le même faciès », en parlant des salariés», raconte encore Hayat El Ghannami.
Dans un courrier datant du 17 septembre, Quick France a réagi au climat social tendu au sein de l’établissement, en rappelant qu’«en tant que franchiseur, Quick veille au respect des standards et des valeurs de la marque sur l’ensemble du territoire.» «Toutefois, conformément au cadre juridique de la franchise, la gestion des ressources humaines et des relations
de travail relève de la responsabilité exclusive du franchisé, employeur direct des salariés du restaurant», ajoute Quick France. Face à la polémique, le franchisé en question, Mehdi Smaine, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, a reconnu, par le biais d’un communiqué transmis par Quick France, que certaines mesures «comportaient plusieurs dispositions qui lui sont finalement apparues excessives».
Dans la version amendée du texte, présentée le 29 septembre au Comité social et économique (CSE), il est désormais prévu que les hommes portent un cache barbe, conformément aux règles de Quick France. Concernant le port du voile, la nouvelle version stipule qu’il doit être retiré dans les vestiaires.
«On ne tenait plus debout»
Mais au-delà du règlement, Hayat El Ghanammi dénonce aussi une dégradation des conditions d’hygiène, essentiellement dû à un sous-effectif chronique : «En août, on nous a rapidement refusé de nouveaux recrutements sous prétexte que la masse salariale était atteinte. Les poubelles débordaient, on manquait de bras. C’était une descente aux enfers. On ne peut pas se permettre d’être 4 ou 5 équipiers pour un service. On ne peut pas non plus respecter les règles d’hygiènes et les délais d’attente dans ces conditions. Certaines soirées nécessitaient d’être 10 ou 12 pour avoir un équipier à chaque poste ! On n’en pouvait plus, on ne tenait plus debout».
Résultat : entre mi-août et début septembre, vingt des trente employés ont été placés en arrêt maladie. La directrice Hayat El Ghannami en fait partie, depuis le 29 août, juste après avoir reçu une convocation à un entretien préalable pour un possible licenciement pour faute grave. Elle affirme «ne pas comprendre les motifs de cette procédure», après trois ans passés à la tête du restaurant.
Mercredi dernier, avec plusieurs employés, elle a donc dressé un piquet de grève pour dénoncer la gestion du nouvel exploitant. Depuis que l’affaire a été relayée par la presse régionale et Mediapart, le climat se serait encore tendu. «Les employés ont peur des représailles», assure Hayat El Ghannami. «Nous voulons simplement travailler dans le respect de nos droits et de notre dignité. Si je dois être un dommage collatéral, ce n’est pas grave. Je n’ai pas peur», conclut la directrice, qui s’est lancée dans une véritable bataille contre Mehdi Smaine.