Ce qui fait de ce concert une fête extraordinaire, c’est finalement de voir ces jeunes solistes prodigieux jouer tour à tour. Même si, heureusement, ils joignent leur talent, au terme de cette production fleuve, dans le sublime andante opus 49 de Mendelssohn. Deux heures et quelque plus tôt, le violoncelliste Aurélien Pascal avait ouvert le bal, dans les Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski. L’instrument du jeune soliste a tout pour séduire : le son magnifiquement boisé, l’inextinguible legato, le subtil sens de la nuance. On se régale, et l’orchestre aussi, en arrière-plan, attentif à toutes inflexions, mené par le geste étonnamment peu emphatique d’un chef lui-même à l’écoute.
Extraordinaire ambassadrice
À l’applaudimètre, le brillant concerto pour violon du compositeur romantique russe l’emporte pourtant. En témoignent d’ailleurs, fait rare, ses manifestations longues et bruyantes au terme du mouvement initial. Le chef-d’œuvre trouve en Liya Petrova une extraordinaire ambassadrice, apte à tenir l’intensité du premier mouvement sans faillir, avec une puissance – quelle corde de sol !, une précision et une clarté dans la scansion formidables ! Le tutti lui rend bien, lancé dans un geste éminemment chaleureux et tendre, dans le ton de cette première partie. On aime la vibrante cantilène de la canzonetta, et la cavalcade finale, dans laquelle il ne manque pas une note.
La virtuosité inouïe du troisième concerto pour piano de Prokofiev
Après l’entracte, une ouverture de Louise Farrenc permet d’apprécier le talent d’une compositrice méconnue qui nous plonge dans le Paris de Liszt ou de Musset. Bourrée d’optimisme, la partition virtuose dans ses relais de pupitres se voit relevée par une lecture pleine de brio du chef Shokhakimov, dont la baguette nerveuse trouve un écho certain chez les musiciens, pleinement engagés, et au plaisir communicatif.
Et puis, le « phénomène » Kantorow offre une nouvelle fois un aperçu de son talent apparemment illimité, puisqu’il visite cette fois, avec de l’électricité au bout des doigts, la partition du troisième concerto de Prokofiev, dont les difficultés techniques défient l’imagination. Fruit de la complicité unissant le pianiste et le chef ouzbek, le piano d’une netteté inouïe, presque débarrassé de tout jeu de pédale, se fond superbement dans le collectif de l’orchestre, contribuant à l’édification d’une grande interprétation. Quelle soirée !
Liya Pétrova a bissé Funk the string de Igudesmann et la sarabande extraite de la partita n°2 en ré mineur de J.S. Bach. Alexandre Kantorow a bissé le Finale de l’Oiseau de feu de Stravinski.