Emmanuel Macron lors d’un déplacement au Danemark le 2 octobre (illustration)

LUDOVIC MARIN / AFP

Emmanuel Macron lors d’un déplacement au Danemark le 2 octobre (illustration)

POLITIQUE – Dimanche 9 juin 2024. Après une soirée électorale cauchemardesque pour son camp, Emmanuel Macron tente un coup de poker aussi hasardeux que dangereux : la dissolution. La suite continue de s’écrire seize mois plus tard. Car dans l’intervalle, le chef de l’État n’a pas su dénouer la crise qu’il a lui-même provoquée. Pire, au fil du temps, il est apparu comme celui qui empêche le pays d’avancer. La démission fracassante de Sébastien Lecornu en est une parfaite démonstration.

Il n’y a qu’à voir la violence de la sortie d’Édouard Philippe, son tout premier chef de gouvernement, ce mardi 7 octobre sur RTL. « Aujourd’hui, l’État n’est pas tenu », a accusé le maire du Havre, en demandant au chef de l’État de prévoir sa démission et d’organiser une élection présidentielle anticipée, une fois le budget adopté. Le coup est rude, puisque cela revient à signifier devant la France entière que le président de la République ne répond pas à ses obligations prévues par la Constitution. À savoir que le chef de l’État doit assurer « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ».

Quelques heures plus tôt, c’est un autre de ses anciens Premiers ministres, Gabriel Attal, qui a sonné la charge. Au 20 Heures de TF1, il a décelé chez celui qui l’a nommé à Matignon « une forme d’acharnement à vouloir garder la main », malgré la défaite de son camp aux législatives. Un double attaque pour un même constat : l’impasse politique est l’œuvre d’Emmanuel Macron.

Macron fait tout pour minimiser ses échecs

« La première connerie c’est la dissolution. La deuxième, c’est de ne pas avoir choisi un Premier ministre à gauche, qui aurait purgé la question et détaché nos amis du PS de la France insoumise. La troisième c’est d’avoir systématiquement nommé un Premier ministre dans sa ligne », décrypte auprès du HuffPost Patrick Vignal, aujourd’hui conseiller politique de Gabriel Attal. L’ex-député Renaissance de l’Hérault regrette l’incapacité du chef de l’État à « composer avec son bilan », ce qui l’empêche d’adopter une autre approche. « Son logiciel est celui des gens qui ont tout réussi, ce qui l’empêche de penser différemment. Pourtant, c’est de lui que doit venir le changement, parce que le RN est aux portes du pouvoir », poursuit celui qui continue de se dire fidèle à Emmanuel Macron, même s’il estime que Gabriel Attal et Édouard Philippe « ont eu raison » de monter au créneau.

Du reste, force est de constater que le locataire de l’Élysée a, effectivement, plusieurs fois donné l’impression de trouver des prétextes pour ne pas toucher à sa politique malgré la défaite. À l’issue des législatives, il a inclus la composition du Sénat (pourtant non concerné par la dissolution) dans la balance pour relativiser l’avance du NFP. Il a ensuite décrété une « trêve olympique » aux allures de procrastination commode.

Puis il a post-rationalisé les résultats, en impliquant dans le « socle commun » des Républicains, lesquels s’étaient pourtant présentés devant les électeurs avec une proposition hostile à sa politique. Le tout, au prix de la nomination d’un Premier ministre -Michel Barnier- issu d’une force ayant obtenu 6 % des voix aux législatives. Il a aussi refusé l’offre de la gauche au prétexte d’une « stabilité institutionnelle » que ses choix ont contredit à trois reprises.

« Certains veulent le voir souffrir »

Résultat : c’est bien lui qui se retrouve en première ligne, et pas qu’un peu. Selon un sondage Odoxa publié lundi par Le Figaro, 70 % des Français se prononcent désormais pour sa démission, soit une hausse de 16 points en un an. La faute à son comportement depuis un an et demi ? Sondé par Le HuffPost, un marcheur historique passé par plusieurs cabinets ministériels juge l’hypothèse un peu trop simpliste. « Le début de la crise date de 2022, lorsqu’il a été élu sans faire campagne, donc sans possibilité de purger les sujets dans le cadre du débat d’idées. Ce qui a frustré les oppositions, mais aussi les Français, qui lui ont donné qu’une majorité relative. Mais il a continué à gouverner comme s’il était majoritaire », explique notre interlocuteur, qui estime que la dissolution n’est qu’une conséquence de ce contexte.

En parallèle, estime notre source, Emmanuel Macron a perdu plusieurs de ses lieutenants « qui assumaient de prendre la foudre à sa place », comme Richard Ferrand, Christophe Castaner ou Gérard Collomb. Ce qui aurait eu pour conséquence de l’isoler, voire le fragiliser. Ce que la dissolution, qui a surpris ses propres troupes qui en gardent un souvenir plus qu’amer, n’a fait qu’aggraver. « Depuis, on a basculé dans un truc psychologique, où certains veulent le voir souffrir », regrette ce macroniste de la première heure.

Depuis sa réélection et plus encore depuis les législatives qu’il a convoquées, le président de la République n’a, en dépit de sa promesse maintes fois répétée mais non tenue d’organiser un ou des référendums, toujours pas trouvé la formule permettant de sortir durablement le pays de l’impasse. Et sa prochaine tentative qu’il prendra après l’ultimatum fixé mercredi à Sébastien Lecornu, dans un contexte où même Gabriel Attal et Édouard Philippe doutent à haute voix de sa capacité à rebondir, ressemble fort à une dernière cartouche.