Halloween approche et avec elle son cortège de citrouilles, de costumes douteux et… de films d’horreur à la chaîne, notamment sur les plateformes de streaming. Autrefois considéré comme un genre de qualité moindre réservé aux adolescents avides de sensations fortes, l’épouvante est aujourd’hui mainstream, virale et surtout rentable. Selon Statista, le genre est particulièrement plébiscité au Mexique (47% d’adeptes), en Espagne (41%) et aux États-Unis (39%). La France n’est pas en reste: 30% de la population reconnait un plaisir coupable à trembler devant un film horrifique.
Les chiffres le confirment. Prenons Conjuring 4 : L’heure du jugement, sorti dans les salles françaises le 10 septembre. Avec plus d’un million d’entrées la première semaine, le film au budget modeste (55 millions de dollars, soit 47 millions d’euros) fait carton plein. À peine un mois plus tard, les recettes mondiales sont de 400 millions de dollars (342 millions d’euros environ). Pendant ce temps sur TikTok, où les vidéos inquiétantes ou effrayantes ont la cote, le hashtag «analog horror» a dépassé les 2,3 milliards de vues en 2024.
La peur n’intéresse pas seulement le septième art. La littérature aussi tire son épingle du jeu. Les romans d’épouvante de Stephen King figurent régulièrement dans les listes des meilleures ventes et le roman Frankenstein s’écoule à 40.000 exemplaires chaque année, rien que pour la version anglaise.
Une nouvelle thérapie
Dans un monde parfois effrayant, le public doit trouver un moyen de gérer son anxiété. C’est ce que confirme l’écrivain Clay McLeod Chapman dans les lignes du média Quartz: «Les peurs du monde réel s’intègrent directement ou indirectement dans notre quotidien et l’évasion dans des horreurs métaphoriques semble offrir un baume nécessaire». Il précise que la diversité du genre favorise sa croissance. Les éditeurs en ont pris bonne note, rééditant les classiques tout en mettant en avant une nouvelle génération d’auteurs.
Les chercheurs du laboratoire danois Recreational Fear sont unanimes: regarder un film d’horreur se rapproche d’une thérapie d’exposition contrôlée. La peur est extériorisée par le biais du cinéma, facilitant la gestion quotidienne de l’anxiété. C’est le paradoxe de l’horreur: les gens s’y réfugient pour se réconforter. D’autres recherches suggèrent également que les contenus d’épouvante permettent de tester sa gestion du stress. Avec la possibilité, à tout moment, d’appuyer sur pause, de quitter le cinéma ou de fermer le bouquin.
Ce mécanisme n’est pas nouveau. Des monstres emblématiques d’Universal durant la Grande Dépression comme Frankenstein, à Godzilla ou L’Invasion des profanateurs qui s’enracine dans la paranoïa de la Guerre froide, chaque époque de crise a vu le genre prospérer. Notre époque ne fait pas exception, entre pandémie, dérèglement climatique et instabilités géopolitiques, il paraît logique de voir les productions horrifiques se multiplier.
Des studios comme Blumhouse et A24 ont réussi à bâtir de véritables empires à partir de films à petits budgets et de stratégies marketing parfaitement rodées. En bref, la peur est un exutoire qui rapporte, et ce n’est pas près de s’arrêter.