Qu’est-ce qu’un patient partenaire ?
Delphine Le Turioner : C’est une personne qui a vécu l’expérience d’une maladie et qui met ce vécu, enrichi par une formation, au service des autres patients mais aussi des professionnels de santé. C’est mon cas depuis plusieurs années. J’ai été traitée pour un cancer de la peau à l’hôpital Saint-Éloi, à Montpellier. Mon parcours a été long, marqué par plusieurs récidives, mais depuis je suis soignée grâce à une thérapie orale ciblée. Un jour, l’équipe médicale m’a proposé de témoigner. Mon médecin m’avait dit : « Les professionnels de santé ne savent pas grand-chose du quotidien des patients ». Cette phrase a résonné en moi. Petit à petit, on m’a sollicitée davantage pour réfléchir aux parcours de soins. J’ai commencé à m’intéresser de près à ma maladie et à ce que mon vécu pouvait apporter aux autres.
Que leur apportez-vous ?
Delphine Le Turioner : Aux patients, je suis dans l’écoute, le soutien et la réassurance. Je comprends ce qu’ils traversent. Cela tisse un lien de confiance qui rend leur parole plus libre. Un pont se crée entre deux mondes, celui des soignants et celui des malades. Au corps médical, j’apporte mon regard de patiente et la compréhension de ce que le malade vit au quotidien. Cela permet notamment d’enrichir les parcours de soins.
De quoi parlez-vous avec les patients ?
Delphine Le Turioner : Ils se confient plus facilement à quelqu’un qui a vécu la même expérience. Ils parlent de la fatigue, de l’angoisse, des impacts familiaux ou professionnels, des difficultés à vivre leurs relations intimes. Face à une longue maladie, le patient est épuisé mais l’entourage aussi. La maladie éclabousse tout le monde.
Avez-vous reçu une formation ?
Delphine Le Turioner : J’ai d’abord suivi une formation d’éducation thérapeutique du patient. Puis j’ai validé un Diplôme Universitaire à la Faculté de médecine de Montpellier sur le partenariat patient-soignant. L’expertise du patient devient une compétence reconnue qui s’insère dans le parcours médical. Ce rôle d’accompagnatrice en santé me permet aussi de co-animer des ateliers d’éducation thérapeutique et d’intervenir dans la formation des professionnels de santé.
Le métier de patient partenaire est-il développé en France ?
Delphine Le Turioner : Il est encore récent et peu connu. Dans la culture médicale, l’expertise scientifique est bien sûr prioritaire mais le vécu des patients n’est pas toujours reconnu comme une véritable compétence. Il manque aussi un cadre institutionnel solide et des moyens dédiés pour le développer. Ce métier n’est pas encore bien identifié dans les grilles administratives hospitalières. Pour l’instant, ce sont surtout des équipes pionnières qui ouvrent la voie comme à l’Institut du cancer de Montpellier.
>>> Delphine Le Turioner intervient à Futurapolis Santé le samedi 11 octobre à 11h50, en compagnie de Pascal Pujol, chef du service d’oncogénétique du CHU de Montpellier, sur le thème : « Cancer : des soins ciblés ET un environnement adapté ».