Mais les auditeurs pointent aussi des irrégularités et des faiblesses systémiques dans les dépenses effectuées par la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), le principal instrument du plan de relance Next Generation EU. La Cour met également en garde contre l’augmentation de la dette de l’UE et des risques que cela entraîne pour les futurs budgets européens.

La Cour des comptes européenne est préoccupée pour l’avenir du budget de l’Unionn1 Une dette de 900 milliards d’euros

En 2020, les chefs d’État et de gouvernement ont approuvé la mise en œuvre d’un plan de 712 milliards d’euros – dont 421 milliards d’euros de subsides répartis entre les États membres – destiné à relancer l’économie européenne, ébranlée par le Covid. La nouveauté du plan Next Generation EU est qu’il est financé par des emprunts européens, qu’il faudra rembourser, d’ici à 2058. Les auditeurs signalent que le total du paiement des seuls intérêts liés à Next Generation EU pour la période 2021-2027 pourrait atteindre 30 milliards d’euros, en raison de la hausse des taux d’intérêt, soit plus du double des 14,9 milliards d’euros prévus par la Commission. Pour la période 2028-2034, ce montant pourrait atteindre 74 milliards d’euros

De plus, ces cinq dernières années, la Commission européenne s’est aussi tournée vers les marchés pour financer l’instrument Sure, utilisé pour protéger l’emploi durant la pandémie de Covid. Le budget européen a aussi servi de garantie pour pouvoir accorder quelque 80,1 milliards d’euros de prêts à l’Ukraine agressée par la Russie, dont 42 milliards ont déjà été versés.

Aussi, au total, la dette de l’Union, qui s’établissait à 601,3 milliards d’euros en 2024 pourrait dépenser les 900 milliards d’euros d’ici à 2027, mettent en garde les auditeurs. C’est dix fois plus que le niveau d’endettement de l’UE en 2020. « Le budget européen risque d’être mis sous pression en raison de la dette et d’autres engagements budgétaires », prévient l’auditrice belge de la Cour, Annemie Turtelboom. Les États membres pourraient être obligés d’augmenter leur contribution au budget pour assurer les remboursements ou, parce qu’ils seraient très réticents à le faire, décider de tailler dans ledit budget.

Dans son projet de cadre financier pluriannuel pour 2028-2034, la Commission européenne propose de doter le budget européen de 58 milliards d’euros de nouvelles ressources propres : une basée sur le marché carbone européen (ETS) ; une autre sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ; une sur les déchets d’appareils électriques non recyclés, une accise sur le tabac et une « contribution » réclamée aux compagnies opérant dans l’UE dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 millions d’euros. Mais la perspective n’enthousiasme pas les États membres

Des questions concernant les dépenses du fonds de relance post-Covid

L’année 2024 est la quatrième au cours de laquelle la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) a versé des fonds aux États membres qui avaient atteint les jalons et les cibles préalablement prédéfinis en concertation avec la Commission. L’an dernier, 28 paiements ont été effectués pour un montant de 59,9 milliards d’euros. Selon la Cour, six paiements ne respectaient pas les critères de versement et d’éligibilité. Les auditeurs épinglent que certains jalons et cibles sont mal conçus et expriment leur doute quant à la fiabilité des informations fournies par les États membres. Aussi, la Cour a-t-elle émis une opinion avec réserve sur les dépenses du FRR.

Fin 2024, la Commission avait versé 178,5 milliards d’euros de subventions au titre de la FRR, soit 50 % seulement de l’enveloppe totale disponible, qui (ne) le sera (que) jusqu’à la fin de 2026.

« Nous tirons la sonnette d’alarme »: la Cour des comptes alerte sur les importants retards du plan de relance européen post-Covid3 Toujours trop d’erreurs dans les dépenses du budget européen

Pour la sixième année consécutive, la Cour des comptes rend une opinion défavorable sur les dépenses du budget européen. Portant sur une valeur totale de 167,9 milliards d’euros, l’échantillon analysé par les auditeurs fait apparaître un taux estimatif d’erreur de 3,6 %. On parle bien d’erreurs – liées au fait que tel ou tel projet financé n’était pas éligible, à des erreurs administratives ou au manquement observé dans la passation des marchés publics – et non de fraude.

Le taux d’erreur pour 2024 est en nette baisse par rapport à celui de 2023 (5,6 %) et en 2022 (4,2 %), mais cela reste encore très supérieur au taux de 2 %. « Le taux d’erreur est encore plus élevé dans la politique de cohésion », qui représente environ un tiers du budget européen, souligne Annemie Turtelboom. Il est de 5,7 %. L’autre rubrique « à risque » est celle intitulée « Ressources naturelles et environnement » (2,6 % de taux d’erreur) dans laquelle on retrouve les dépenses de la Politique agricole commune, l’autre grosse enveloppe du budget.