Après l’Arte Povera, la Bourse de Commerce-Pinault Collection, à Paris, célèbre un autre courant fondamental de l’histoire de l’art des XXe et XXIe siècles : l’art minimal. Un véritable ilôt de contemplation dans un monde en tourments.

Jusqu’au 19 janvier 2026, l’Art minimal est mis en majesté à la Bourse de Commerce-Pinault Collection (Paris, Ie arr.). L’exposition, qui réunit plus d’une centaine d’œuvres majeures, se déploie suivant un parcours cohérent, élégant et riche, qui souligne particulièrement la beauté des formes simples des œuvres de Meg Webster (née en 1944), On Kawara (933-2014), Agnes Martin (1912-2004) ou encore Lygia Pape (1927-2004). Cette dernière bénéficie d’une exposition personnelle (la première en France) au rez-de-chaussée du bâtiment.

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Qui est minimal ?

Contrairement aux Nouveaux Réalistes ou au mouvement Supports/Surfaces dont la liste des participants est plutôt clairement établie, l’Art minimal relève davantage d’un état d’esprit et de caractéristiques communes : dépouillement formel, neutralité de l’artiste, lien avec l’espace. C’est pourquoi, Jessica Morgan, la directrice de la Dia Art Foundation et commissaire de l’exposition « Minimal », a élargi le spectre des artistes américains des années 1960-1970 à des créateurs venus d’Asie, d’Europe ou d’Amérique latine et a choisi des œuvres récentes comme cet ensemble de sculptures géométriques de Meg Webster qui s’inspirent de l’Art minimal mais n’en font pas vraiment partie.

Circle of Branches (2025) et Wall of Wax (1990) de Meg Webster, présentés dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 © Connaissance des Arts / Alexandre Dars

Circle of Branches (2025) et Wall of Wax (1990) de Meg Webster, présentés dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 © Connaissance des Arts / Alexandre Dars

Hommage au Mono-ha

On peut rapprocher le mouvement artistique japonais Mono-ha de l’Art minimal par son goût pour les formes simples disposées dans l’espace et dialoguant entre elles, mais on pourrait également le rapprocher de l’Arte povera tant il utilise des matériaux bruts comme la pierre ou le bois. Sur fond de musique réalisée à partir de tuyaux de Yoshi Wada, on croise ici un véritable paysage constitué de tétraèdres de bronze de Susumu Koshimizu et des dessins sur papiers déchirés ou superposés de Kishio Suga.

À gauche : Papier (1969-2025) de Susumu Koshimizu, présenté dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 ©Connaissance des Arts / Guy Boyer

À gauche : Papier (1969-2025) de Susumu Koshimizu, présenté dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 ©Connaissance des Arts / Guy Boyer

La grille selon Agnes Martin

Provenant largement des collections de François Pinault, les œuvres minimalistes d’Agnes Martin montrent comment cette artiste américaine passe de paysages abstraits (l’œuvre de gauche est intitulée Grey Stone II) à des toiles construites à partir de grilles et de motifs géométriques. Il faut prendre le temps d’observer la simplicité des motifs et la qualité de leur exécution. Jouant avec les bords de la toile, laissés plus ou moins libres, Agnes Martin peut barrer la surface d’obliques ou de bandes horizontales, censées évoquer des états intérieurs comme l’ordre ou la clarté.

À gauche : Grey Stone II (1961) de Agnes Martin, présenté dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

À gauche : Grey Stone II (1961) de Agnes Martin, présenté dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

Surfaces sensibles

Sous le titre d’Equilibre, Grille ou Monochrome, les salles du deuxième étage permettent de regrouper les œuvres d’artistes très différents sous une même préoccupation. Ainsi de François Morellet (le seul Français de l’exposition) avec ses fils métalliques donnant une troisième dimension à sa toile, qui voisine avec l’Allemand Günther Uecker ou le Japonais Jiro Takamatsu dans l’idée de l’irrégularité et du hasard.

Vue de l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025 ©Connaissance des Arts / Alexandre Dars

Vue de l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025 ©Connaissance des Arts / Alexandre Dars

Plus loin, sous le label collectif de Surface, on voit la préoccupation d’artistes comme Blinky Palermo ou Robert Ryman (ne pas manquer l’impressionnant Salon du rez-de-chaussée) pour les formes géométriques et les structures modulaires.

Vue de l’exposition « Minimal », Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris, 2025. © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

Les oeuvres de Robert Ryman présentées dans l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025. © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

Grilles et monochromes

« Dans les années 1960 et 1970, les artistes éprouvent les limites du monochrome par l’exploration du potentiel de la surface, de la forme et de la matérialité », rappelle l’exposition. Ici, Michelle Stuart presse quatre terres différentes sur des panneaux de papier pour montrer la variété des couleurs d’une carrière de briques du New Jersey « afin d’enregistrer le temps, le lieu et le processus ». Au sol, les chaînes utilisées par Maren Hassinger évoquent tout à la fois les méandres d’une rivière et le voyages des esclaves venus d’Afrique vers l’Amérique par bateaux.

Vue de l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025 ©Connaissance des Arts / Alexandre Dars

Vue de l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025 ©Connaissance des Arts / Alexandre Dars

Ne surtout pas manquer les vitrines de la Rotonde qui réunissent des Date Paintings de On Kawara, avec leurs boîtes contenant une coupure de journaux et donnant un tour politique à cette date peinte sur un fond monochrome.

Date Paintings de On Kawara,  présentées dans l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025. © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

Date Paintings de On Kawara,  présentées dans l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025. © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

Monographie Lygia Pape

Pour compléter cette exposition thématique autour de l’Art minimal, il faut visiter la monographie consacrée à l’artiste brésilienne Lygia Pape (1927-2004). Cette pionnière de la performance, fondatrice du mouvement Neo-concret, souligne l’importance de l’espace et l’interaction du visiteur avec les œuvres. Montée par Emma Lavigne et Alexandra Bordes, cette présentation permet de revoir Ttéia, une installation poétique constituée de fils d’or qui jouent avec la lumière dans la pénombre. Plus loin, un bel ensemble de gravures sur bois et une vaste partition murale en noir et blanc complètent l’hommage.

Ttéia 1, C (2003-2025) de Lygia Pape, présenté dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

Ttéia 1, C (2003-2025) de Lygia Pape, présenté dans l’exposition « Minimal », Pinault Collection, Paris, 2025 © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Nicolas Brasseur / Pinault Collection.

Montage de l’exposition « Minimal » à la Bourse de Commerce