Bien sûr que Georgiana Viou s’est faite houspiller et chasser de la cuisine de la maison à Cotonou, au Bénin, ce ne sont pas les pâtes ou les dja qui lui ont été transmis comme dans les histoires, Ce que sa mère, ses tantes, sa grand-mère lui ont transmis, c’est la force, la volonté de se relever, de faire front, et de croire. La cuisine a toujours été là, Georgiana regardait, écoutait, enregistrait tout dans sa mémoire. La cuisine a toujours été là, mais s’est exprimée plus tard.

Ce n’est pas une toque qu’elle porte sur la tête mais un feutre, ou un panama :  The woman King comme on aime la surnommer, l’Amazone Georgiana Viou, la première cheffe noire étoilée de France s’est ancrée à Marseille, elle y a déployé sa cuisine, et se raconte, sans filtre dans son dernier livre – pas un livre de cuisine-  tout en expliquant : « Dans ma culture on ne se livre pas de la sorte, mais je veux que chacun ait la conviction – et elle en est l’exemple- que l’on peut tomber très bas, courber l’échine, mais quand la tempête passe, toujours se relever et réussir. »

Il m’a fallu du temps pour répondre aux questions sur la couleur de ma peau, pour comprendre en quoi je peux être un exemple.

Le 6 mars 2023, quand Le guide gastronomique Michelin décerne sa première étoile à Georgiana Viou, la cheffe devient aussi la première femme cheffe noire étoilée de France. Un exemple, un modèle dans lequel peuvent se reconnaitre plusieurs générations et se dire : « si elle l’a fait, si elle a pu aller jusque-là alors moi aussi je peux ».  

« C’est triste de se dire qu’on en est encore là, mais, force est de constater qu’il n’y a même pas 30% de femmes sur les presque 700 tables étoilées Michelin en France, pourtant tellement de femmes ont des restaurants ! Je suis déjà dans une minorité dans ce guide et ma couleur ajoute encore une singularité, ma couleur est une exception mais en vrai, ce n’est pas ma couleur qui cuisine, ni qui fait ce que je suis, cela y participe mais elle ne me fait pas. »

« Être noire et cheffe, ce n’est pas une tare, cela n’enlève rien à mes compétences, au contraire cela ouvre la voie ».

 

Avec Georgiana Viou, cheffe une étoile au restaurant «Rouge» à Nîmes, et cheffe du restaurant l’AMI à Cotonou, autrice de Oui cheffe, du Bénin à l’étoile Michelin, itinéraire d’une battante, aux éditions Michel Lafon, Le goût de Cotonou avec Mayalen Zubillaga et les photographies de Maki Manoukian, aux éditions Alain Ducasse.  

 

«Oui cheffe», de Georgiana Viou, éditions Michel Lafon.

«Oui cheffe», de Georgiana Viou, éditions Michel Lafon. © Clémence Denavit/RFI

Pour aller plus loin

– L’Afrique cuisine en France, de Vérane Frédiani, éditions de la Martinière

– Marseille cuisine le monde, de Vérane Frédiani, éditions de la Martinière

Master chef

Les grandes tables à Marseille

Les cuisines africaines organisées par les grandes Tables, avec Cheffes, en avril 2025. Un festival culinaire et solidaire.

– The women King. Le film de Gina Prince-Bythewood avec Viola Davis

Sur Rfi, invite de la matinale.

 

Programmation musicale :

Maré vai subir de Joao Selva.

 

« Ma grand-mère Georgette a toujours utilisé la cuisine comme une façon de rassembler les gens, il y avait toujours un évènement organisé, une fête pour des partenaires d’affaires venus de l’étranger, elle trouvait toujours une raison de convier des gens à table. »

 

La recette

Dja ou la recette aussi simple que phare de la cuisine béninoise. La sauce est confectionnée de purée de tomates frites, cuites longtemps avec des aromates ce qui donne un concentré, intensément parfumé. On le déguste avec du riz blanc ; de l’atassi, du innoui, des haricots, des frites de pommes de terre, ou d’igname, de patates douces, dans du pain ou sur de l’adowè.

 

20 g de gingembre frais, 2 gousses d’ail, 3 cuillerées à soupe de crevettes séchées entières ou en poudre, 20 grains de poivre noir, 50 cl d’huile de tournesol, 750g de tomates concassées ou en purée, 1 oignon, piment en poudre de cayenne, ou d’Espelette, 1 demi cuillérée à café de bicarbonate de potassium alimentaire ou de sucre semoule pour modérer l’acidité des tomates, 2 feuilles de laurier, sel.

 

Préparation : 10 mn – Cuisson : 1 heure.

 

Mixez ensemble le gingembre et l’ail pelé, les crevettes séchées, le poivre et une pointe d’eau pour former une pâte aromatique. Pelez et mixez l’oignon. Réservez.

Faites chauffer l’huile dans la casserole munie d’un couvercle. Quand elle est chaude, ajoutez la tomate et l’oignon mixé. Laissez cuire pendant un gros quart d’heure sans cesser de remuer.

Ajoutez le bicarbonate. Baissez le feu, rectifiez l’assaisonnement et poursuivez la cuisson. Couvrez s’il y a trop de projections.

Ajoutez les feuilles de laurier au bout de 10 mn.

Pensez à mélanger très régulièrement, en contrôlant toujours l’intensité du feu. Le Dja a besoin de surveillance car il brûle facilement.

Il est prêt lorsque la texture de la tomate est épaisse et que sa couleur est d’un beau rouge foncé. Ajoutez le piment, et laissez chauffer encore 2 mn.

Il faut compter en tout une bonne heure de cuisson.