L’inauguration de cette première maison de la diversité ne pouvait pas mieux tomber : le jour de la panthéonisation de l’ancien ministre Robert Badinter, l’homme qui a, parmi tous ses grands combats politiques, obtenu la dépénalisation de l’homosexualité en France.

Pour ce moment symbolique, l’association Les Audacieuses & Audacieux, porteuse du projet, avait prévu deux rubans : l’un tricolore, l’autre aux couleurs du rainbow flag, symbole du mouvement LGBTI +. La résidence flambant neuve qui abrite quatorze logements de petites surfaces, réservés à des personnes de plus de 55 ans, et un appartement étudiant afin de créer du lien intergénérationnel, suscite déjà la curiosité des habitants du quartier de la Croix-Rousse venus nombreux à l’inauguration, ce jeudi après-midi.

De nombreuses candidatures

Car cette maison de la diversité est unique en France. Cuisine collective, buanderie, chambre d’amis, jardin, tout ici est partagé. Stéphane Sauvé, délégué général de l’association Les Audacieuses & Audacieux, travaille sur le projet depuis cinq ans. Il n’a pas été simple pour lui de choisir les locataires après avoir reçu une pile de candidatures.

« Ce qui différencie les populations qui sont accueillies ici c’est leur parcours de vie, explique-t-il. Quand on vous dit que vous avez été déviant, que vous n’êtes pas la bonne place, il faut se réinventer et pour certaines personnes ce n’est pas évident. La santé mentale de ce public est bien fragilisée. Il était urgent d’agir. »

Bonnet bleu, marinière, accoudé au balcon, François (64 ans), rêvait depuis longtemps d’intégrer un habitat partagé comme celui-ci. « Cela fait plus de huit ans que je cherche, confie-t-il. Ce qui m’a freiné c’est de ne pas avoir d’apport financier pour payer une quote-part souvent demandée dans ce type de projet. J’ai toujours été smicard, je n’avais pas l’argent (entre 25 et 30 000 euros). »

« Il faut maintenant que l’on apprenne à s’apprécier »

Installé depuis près d’une semaine, encore dans les cartons, le sexagénaire est ravi. « Je suis ravi de trouver un groupe. Il faut maintenant que l’on apprenne à s’apprécier les uns avec les autres, et dans nos différences aussi. »

François est rassuré de vivre dans cette résidence parfaitement sécurisée, située au cœur du quartier de la Croix-Rousse. « Être dans un lieu safe, où on ne va pas avoir des remarques sur notre genre, notre sexualité, ni sur qui vient nous visiter, c’est quand même très important. »

Chaque locataire, pour intégrer l’immeuble, a pris l’engagement de participer au projet de vie sociale défini : repas partagés, réunions communes, activités collectives, écoute, partage, bienveillance, etc.

« Chacun va pouvoir raconter ses histoires de vie dans un cocon où le sujet de la solitude ne l’est plus, où le sujet de l’orientation sexuelle ne l’est plus » se félicite Stéphane Sauvé.

L’opération immobilière a nécessité un investissement de 3,3 millions d’euros financés par des prêts immobiliers (Banque des Territoires), le soutien financier de Croix-Rousse Habitat, la métropole et la ville de Lyon, et de nombreux partenaires privés. D’autres maisons de la diversité devraient voir le jour en France dans les prochaines années, dont un projet très avancé à Strasbourg.