Par

Léa Giandomenico

Publié le

9 oct. 2025 à 20h22

Tic-tac tic-tac. Plus que 24 heures avant la fin de la deadline posée par Emmanuel Macron pour trouver enfin un Premier ministre qui fasse consensus. Et toujours aucun nom qui ne se dégage clairement. Une certitude cependant : il tranchera d’ici vendredi 10 octobre au soir, comme il l’a fait savoir mercredi, après l’intervention télévisée de Sébastien Lecornu.

L’équation n’est pas simple : le PS veut une cohabitation avec un Premier ministre de gauche, la France Insoumise promet de censurer « tout gouvernement de grande coalition », le RN est catégorique et censurera « tous les gouvernements jusqu’à obtenir la dissolution », selon sa cheffe de file Marine Le Pen. Et du côté de LR, c’est non à un Premier ministre de gauche ou macroniste, a fait savoir Bruno Retailleau. Quel schmilblick. Alors qui Emmanuel Macron va-t-il sortir de son chapeau ?

Bernard Cazeneuve, le retour ?

Un ancien Premier ministre pour sortir Emmanuel Macron de l’ornière ? C’est en tout cas ce qui se murmurait en début de semaine au sujet de Bernard Cazeneuve. L’ex-chef de gouvernement sous François Hollande et ancien maire de Cherbourg a été l’un des premiers à réagir à la démission de Sébastien Lecornu.

« Nous devons collectivement aux Françaises et aux Français une solution à leur hauteur. Un sursaut. » Un « nous » pour s’inviter dans la partie ? En tout cas, il est vu par certains observateurs de la vie politique, comme l’homme providentiel qui pourrait sauver la situation.

« Cette première option d’une personnalité qui rassemblerait la droite et la gauche peut s’entendre, mais bon, ça me semble difficile », balaie Mathilde Philip-Gay, constitutionnaliste à l’Université de Lyon Jean-Moulin, jointe par actu.fr.

Son profil n’est, en effet, pas du goût de tout le monde : les Écologistes ne veulent pas d’un homme qui soutient la gauche de manière incertaine. Bernard Cazeneuve a quitté le PS en 2022 après l’accord du parti avec la France Insoumise, pour les législatives post-dissolution.

Et la présidente des députés Écologistes, Cyrielle Chatelain, a précisé que le groupe politique voulait « un Premier ministre, qui, lors des élections législatives, a été en campagne au nom de la gauche et des écologistes et qui a eu le soutien des Français. Donc pas Bernard Cazeneuve. » 

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Le cas Jean-Louis Borloo

Les rumeurs allaient bon train, ce jeudi 9 octobre au matin, sur la participation de Jean-Louis Borloo à un nouveau gouvernement. On le pressentait même Premier ministre.

Celui qu’on dit « ni de droite ni de gauche » pourrait correspondre au portrait-robot dressé nuitamment par un stratège macroniste, comme le rapporte Politico dans sa newsletter : il pourrait « parler à la gauche », « incarner un gouvernement déprésidentialisé », n’être « pas aussi ouvertement un lieutenant d’Emmanuel Macron » que Sébastien Lecornu. 

L’ancien ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, aujourd’hui âgé de 74 ans, a longtemps été maire de Valenciennes et a fondé l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI).

« Borloo est une hypothèse, c’est le seul qui n’a rien à perdre », soulignait une source proche d’Emmanuel Macron ce jeudi matin. Mais, interrogé par l’AFP, le principal intéressé a démenti la rumeur. « J’ignore absolument tout », a-t-il déclaré, assurant n’avoir « aucun » contact avec l’entourage du Président.

Et puis il faut dire que cette forte personnalité n’a pas les meilleures relations avec le chef de l’État, qui avait sèchement retoqué en 2018 son rapport sur le devenir de la politique de la Ville. 

Un Jean Castex bis

Puisque gauche et droite bataillent pour un nom qui convienne à chaque camp, l’hypothèse d’un gouvernement technique se dessine aussi. C’est-à-dire un gouvernement avec, à sa tête, un Premier ministre qui ne soit pas partisan :  quelqu’un qui est issu de la société civile donc, un haut fonctionnaire ou un expert dans un domaine précis, comme nous l’expliquions dans cet article.

C’est l’option d’un Jean Castex bis, c’est-à-dire une personnalité qui n’est pas connue mais qui pourrait tenir le rôle de grand argentier, qui aurait eu des fonctions financières, ou bien un cadre de la fonction publique, un haut fonctionnaire…

Mathilde Philip-Gay
Professeure de droit constitutionnel

« Quelqu’un qui ne peut pas être contestable, sans position politique », donc, résume la constitutionnaliste.

Rappelons-nous, Jean Castex, inconnu au bataillon à sa nomination en 2020, avait quitté les Républicains et la mairie de Prades pour prendre la fonction de Premier ministre. Le haut-fonctionnaire, « redoutable d’efficacité », de droite, mais jamais ministre jusqu’alors, avait été appelé le « monsieur déconfinement » de l’exécutif. 

Un vieux briscard de la politique

Reste aussi à Emmanuel Macron l’option d’un vieux loup de mer de la politique. Et l’on entend par là les personnes « un peu âgées de la politique, par l’expérience », nous souffle Mathilde Philip-Gay.

C’est le pari qu’avait pris le chef de l’État avec Michel Barnier et François Bayrou, les deux hommes de droite et du centre, récemment passés par Matignon, ayant tous deux de longues carrières politiques derrière eux. « Mais je ne le sens pas du tout, regardez, avec eux ça n’a pas fonctionné », poursuit la constitutionnaliste. 

Et en effet, les deux hommes politiques n’ont pas réussi à relever les défis qui s’imposaient à eux : faire des économies dans une France endettée. Le premier a été renversé après la censure du gouvernement et trois mois seulement à Matignon, et le deuxième a démissionné quand il n’a pas réussi à obtenir la confiance de l’Assemblée nationale lors du vote qu’il avait lui-même demandé en septembre. 

La gauche à Matignon ?

L’hypothèse de la gauche à Matignon a vite été éclipsée, et pourtant elle a bel et bien été évoquée en début de semaine. C’est même Sébastien Lecornu lui-même qui l’avait exposée, le nom d’Olivier Faure, patron du PS circulant encore mardi 7 octobre. Mais soyons honnêtes : même les socialistes n’y croyaient plus hier, rapporte Politico dans sa newsletter.

Un cadre du PS, proche d’Olivier Faure, le premier secrétaire, le glissait au média ce mercredi après-midi : « Au fond de nous, on pense qu’Emmanuel Macron ne fera pas ça, ça apparaîtrait pour lui comme l’ultime défaite. Fondamentalement, ceux qui l’entourent continuent à penser qu’on est des zozos un peu irresponsables. »

Pourtant, Olivier Faure, qui demandait au préalable la suspension de la réforme des retraites comme condition de son entrée à Matignon, avait ensuite rétropédalé, pour simplement demander de « remettre le dossier au Parlement ». Pas sûr que cela prenne du côté de la Macronie.

Sébastien Lecornu reconduit ?

Ce n’est pas l’hypothèse la plus probante, et le principal intéressé ne veut plus du poste, mais il y a un monde où Sébastien Lecornu, pourtant démissionnaire, est reconduit.

Juridiquement en tout cas, c’est possible, nous confirmait encore la professeure de droit constitutionnel Mathilde Philip-Gay. « C’est ce qu’a fait le général De Gaulle en 1962 avec Georges Pompidou, après que le gouvernement a été renversé », nous glisse la spécialiste.

Si Sébastien Lecornu assure ne pas « courir après le job » et avoir « terminé » sa « mission », plusieurs responsables politiques prêtaient mercredi 8 octobre à Emmanuel Macron la tentation de reconduire celui qui se décrit comme un « moine soldat », au risque d’ulcérer les oppositions qui ne cessent de fustiger « l’entêtement » du chef de l’État.

Mais le Premier ministre démissionnaire a estimé que le prochain locataire de Matignon devra « s’éloigner de la Macronie pour donner une assurance aux Français (et) que le message envoyé par les Français lors des législatives et des partielles soit respecté », rapporte l’AFP.

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