Par Mauro Macchi, Directeur Général d’Accenture pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, et Koen Deryckere, Président d’Accenture France et Benelux (*)
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, appelle à une approche technologique « plus rapide, plus intelligente et plus européenne ». Draghi tente lui aussi d’insuffler plus d’urgence dans le débat. Les turbulences actuelles du marché offrent une opportunité d’accélérer l’agenda de réforme économique. Mais pour que les actes suivent les discours sur l’IA, entreprises et décideurs doivent aller plus vite.
L’Europe doit impérativement sortir du « piège de la technologie intermédiaire », comme l’alertent des économistes comme Jean Tirole. Il faut éviter ce cercle vicieux de faible dynamisme, innovation et investissement, identifié comme l’un des principaux freins à la productivité de l’Europe par rapport aux États-Unis¹.
Un progrès lent, c’est du progrès quand même
Draghi appelle à bâtir les capacités de calcul, les compétences et les solutions nécessaires à une productivité dopée par l’IA. Les 200 milliards d’euros alloués par l’UE au plan d’action pour l’IA constituent un bon début. En plus de la création de treize usines d’IA, la proposition de la Commission Européenne de construire cinq giga-usines d’IA a suscité 76 manifestations d’intérêt dans 16 États membres.
Sont également prévus 1,3 milliard d’euros pour les compétences numériques, l’IA et la cybersécurité. La souveraineté numérique – via des achats stratégiques – est désormais inscrite à l’agenda européen. Et comme l’adoption de l’IA croît avec la taille des entreprises, il est encourageant de constater l’attention portée à l’accès des PME aux capacités de calcul, aux données de qualité et aux formations sectorielles.
Les grandes entreprises européennes accélèrent également, à un rythme comparable à leurs homologues américaines. Et 85 % des dirigeants européens déclarent former leurs équipes à travailler avec des agents IA².
Pour autant, l’accélération reste insuffisante. Moins de la moitié des grandes entreprises européennes ont investi dans des projets IA véritablement transformateurs. Encore moins explorent l’IA agentique ou physique. Si l’Europe se contente d’avancer au même rythme que les États-Unis, le retard technologique ne pourra être comblé.
Il devient essentiel de concrétiser le « 28e régime » fédéralisé en Europe qui permettrait aux entreprises européennes d’opérer, commercer et lever des fonds dans l’ensemble de l’Union européenne. Ce modèle faciliterait une IA européenne fondée sur l’interopérabilité, la collaboration intersectorielle et transfrontalière, et une régulation harmonisée.
Les écarts de perception entre employeurs et salariés sur la préparation à l’IA doivent aussi être comblés. Les entreprises doivent s’habituer à un co-apprentissage continu entre humains et IA³. L’application de l’IA représente également une opportunité majeure pour capitaliser sur les forces européennes en automatisation, robotique et logiciels industriels.
L’Europe a démontré sa capacité à surmonter les crises et à se réinventer. Douze mois ne suffisent pas à retrouver un élan compétitif. Comme le dit l’adage : Rome ne s’est pas faite en un jour.
(1) Accenture, “Accelerating Europe’s Path to Reinvention”, janvier 2023.
(2) Accenture, “European AI Readiness Survey”, mai 2025.
(3) Accenture, “Learning, Reinvented: Accelerating human–AI collaboration”, septembre 2025.
(*) Mauro Macchi est CEO d’Accenture pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (EMEA), et membre de l’équipe de direction mondiale d’Accenture, qu’il a rejointe en septembre 2021. Il est également président d’Accenture Italie depuis le 1er septembre 2023. Précédemment, il était responsable de la région ICEG (Italie, Europe centrale et Grèce). Au cours de ses près de 30 ans de carrière chez Accenture, il a acquis une connaissance approfondie des principaux marchés internationaux, en dirigeant plusieurs projets de transformation, notamment pour le secteur des services financiers. Il est également membre du conseil d’administration de la Fondazione Italiana Accenture depuis neuf ans.
Koen Deryckere est Président d’Accenture pour la région France et Benelux depuis le 1er septembre 2024. Il siège également au Comité de direction mondial d’Accenture. Précédemment, en tant que directeur des opérations d’Accenture pour la région EMEA, Koen a contribué au déploiement de la stratégie d’Accenture, à l’excellence opérationnelle de l’entreprise et à la transformation de son modèle dans la région EMEA. Il a également exercé les fonctions de responsable européen du groupe d’activité Products d’Accenture, qui regroupe des secteurs tels que les biens de consommation, la grande distribution, le voyage, l’automobile, l’équipement industriel et les sciences de la vie. Il a également accompagné de nombreux clients sur des sujets tels que la transformation stratégique des entreprises, la transformation numérique impliquant l’ensemble des fonctions, la refonte de l’organisation et l’intégration pré et post acquisition.