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De l’harmonie et des vitamines pour le bonheur

Publié aujourd’hui à 20h46Portrait d’Agnès Desarthe, auteure, avec des cheveux bouclés et foncés, portant un pull noir sur un fond bleu foncé.

Dans «L’oreille absolue», Agnès Desarthe a écrit un texte polyphonique et musical.

©Nieszawer/Leextra

En bref:

  • L’histoire musicale se déroule dans une harmonie municipale préparant le concert de Noël.
  • Les musiciens partagent leurs joies et leurs peines dans une symphonie humaine.
  • L’auteure transforme habilement la musique en mots pour célébrer l’espoir collectif.

Agnès Desarthe nous livre une histoire en forme de conte de Noël qui ne cesse pourtant de tutoyer le drame, ou plutôt des drames, mais regorge tant d’optimisme qu’elle finit par nous convaincre qu’il existe toujours une raison d’espérer, que le bonheur, l’amour, la joie existent, mais qu’il faut les voir, y croire. Même s’il est aussi question ici d’accident, de coma, de longue absence, de corde au cou et de souffrances.

Le propos, délicat et humain, s’inscrit dans le microcosme d’une harmonie municipale qui doit donner son traditionnel concert de la Nativité. Chaque musicien joue la partition de sa vie et devient aussi l’instrument du destin.

Sur cette base, Agnès Desarthe a écrit un texte polyphonique et musical, rythmé par un leitmotiv rassurant qui dit: «Rien ni personne ne mourait.» Mais, doloroso, il souligne que pour vivre, il faut aussi s’inspirer de Valentin le chat, qui, au long du livre, «se mordait bravement la patte qu’il s’était coincée dans un piège à renard et dont il faudrait bien qu’il s’ampute, avec patience, sans dégoût, buvant à mesure le sang qui s’en écoulait et n’établissant pas de lien entre la douleur qui le faisait trembler d’un bout à l’autre de l’échine et les coups de dent qu’il infligeait à sa chair».

La musique en métaphore de la vie

Mais cela et tout le reste, «ce n’est pas grave», comme ne cesse de se le répéter la petite Sonya. Celle qui, avec sa mère, s’est greffée sur la vie du village. Solitaire et sans moyens, la petite fille est devenue celle qui entendait tout, voyait tout et ne disait jamais rien. Dans ses carnets, elle notait, recoupait, s’informait sur ces liens visibles et invisibles. Et elle a fini par faire ce qu’on lui disait souvent. Elle a été loin. Jusqu’à devenir une cheffe d’orchestre renommée qui, forte de son oreille absolue, vient se replonger, en dépit des discordances, dans l’harmonie de son enfance.

Qu’importent les méandres de la destinée, les coups du sort, les traquenards du destin. Pour les musiciens de cette formation, pour ces hommes et ces femmes qui «respirent d’un même souffle» et s’accompagnent, la vie a des hauts et des bas, des dièses et des bémols, mais ils s’accordent sur un tempo humble, un legato vibrant qui adoucit leurs mœurs et nos cœurs. Ils sont en harmonie, reliés par les notes. Ils forment aussi un poignant chœur silencieux qui porte la voix mélancolique de leurs âmes.

Dans le mouvement andante de ces vies minuscules mais jamais ridicules, Agnès Desarthe réalise une performance littéraire. Avec maestria, elle met la musique en mot pour composer une mosaïque formidable d’humanité et fournit des vitamines pour le bonheur.

Couverture du livre ’L’oreille absolue’ d’Agnès Desarthe, montrant une falaise verdoyante surplombant une plage avec deux personnes marchant au loin.

Ce roman pourrait être un «feel good book», mais il est encore mieux!

Éditions de l’Olivier

«L’oreille absolue», Agnès Desarthe, Édition de l’Olivier, 144 p.

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Philippe Villard est chef d’édition à la Tribune de Genève. En plus de vingt ans de carrière, il a exercé le journalisme au sein de divers médias romands, a été enseignant au Centre de formation au journalisme et aux médias, à Lausanne. Il est aussi l’auteur d’un roman intitulé «Plume-Patte».

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