La France est confrontée aux répliques sans fin du séisme de la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024 par M. Macron, qui a abouti à une chambre sans majorité, divisée en trois blocs (gauche, centre-droit, extrême droite) et à une succession de quatre premiers ministres en un an et demi.

Nommé quatre semaines plus tôt, M. Lecornu avait démissionné lundi matin à la surprise générale, seulement 14 heures après l’annonce de sa première équipe, dont la composition a fait exploser le socle commun entre le camp présidentiel et les Républicains (LR, droite).

Sa reconduction, évoquée avec insistance ces derniers jours, a été confirmée vendredi soir. Compagnon de route du chef de l’État depuis 2017, M. Lecornu, qui se définit lui-même comme un «moine soldat», a accepté sa reconduction «par devoir».

Il aura «carte blanche» pour mener «les négociations» avec les partis politiques et essayer de bâtir un gouvernement à même d’enfin doter le pays d’un budget pour 2026, dit-on dans l’entourage du président Macron. Le temps presse pour pouvoir laisser au Parlement les 70 jours requis par la Constitution pour l’examiner avant le 31 décembre.

Mais, le secrétaire général du Parti socialiste (PS) Pierre Jouvet a affirmé à l’AFP que sa formation censurerait le premier ministre sans plusieurs concessions de sa part, notamment la «suspension immédiate et complète de la réforme des retraites», réforme emblématique du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, adoptée au forceps en 2023.

 

Les votes de ses députés seront décisifs en cas de dépôt d’une motion de censure du gouvernement, car La France insoumise (LFI, gauche radicale) et le Rassemblement national (RN, extrême droite) ont déjà promis de la soutenir.

Le chef du RN, Jordan Bardella, a dénoncé sur X un «attelage sans aucun avenir», tandis que le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, a fustigé «un nouveau bras d’honneur aux Français».

«Mal se terminer»

Emmanuel Macron prend donc le risque d’une nouvelle dissolution alors que la gauche et la droite réclamaient un premier ministre qui ne soit pas «macroniste».

Son choix de reconduire Sébastien Lecornu est critiqué jusque dans son camp, même s’il pourra bénéficier du soutien des Républicains (LR) au Parlement. La participation de ces derniers au gouvernement est néanmoins incertaine.

Le premier ministre a prévenu que le futur gouvernement «devra incarner le renouvellement et la diversité des compétences», demandant aux prochains ministres de «s’engager à se déconnecter des ambitions présidentielles pour 2027».

Ce qui semble exclure à priori plusieurs poids lourds de son ancienne équipe, comme le garde des Sceaux Gérald Darmanin, mais surtout le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, détonateur de la chute de «Lecornu I».

Peu après sa démission lundi, Emmanuel Macron avait donné 48 heures à Sébastien Lecornu pour essayer de trouver un accord de la dernière chance et former un gouvernement qui échapperait à la censure.

M. Lecornu avait estimé mercredi qu’un «chemin» était encore «possible», mais une ultime réunion d’urgence vendredi entre le président et les chefs de partis n’a pas apporté plus de clarté. Même, la gauche a dit en être sortie «sidérée», sans obtenir de concret sur les retraites ou le pouvoir d’achat.

«Tout ça va très mal se terminer» avec une possible «dissolution», avait prévenu la patronne des Ecologistes Marine Tondelier à la sortie de l’Élysée.

Venu de la droite, discret au point d’être quasi inconnu du grand public, Sébastien Lecornu est devenu un rouage essentiel de la macronie. Il a été de tous les gouvernements depuis la première élection d’Emmanuel Macron et officiait depuis 2022 au poste stratégique de ministre de la Défense.