C’est la raison pour laquelle le gouvernement De Wever envisage d’instaurer une taxe de 2 euros sur chaque colis de moins de 150 euros provenant de l’extérieur de l’Union européenne. L’objectif : lutter contre la concurrence déloyale des géants de l’e-commerce majoritairement chinois tels que Temu, Shein ou Alibaba, tout en générant de nouvelles recettes pour réduire le déficit public.
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La proposition, portée par Les Engagés, s’inscrit dans le prolongement d’une recommandation de la Commission européenne datant du 20 mai dernier. Cette dernière suggérait, en effet, de taxer ces colis – dont la grande majorité provient de la Chine – afin de renforcer les moyens des services douaniers, actuellement débordés. Soulignons au passage que les petits colis provenant du Royaume-Uni seraient également taxés si la mesure devait passer.
Le ministre fédéral de l’Emploi et de l’Économie, David Clarinval (MR), a annoncé pour sa part travailler avec les pays voisins de la Belgique afin de mettre en œuvre une taxe commune de deux euros par colis importé depuis l’extérieur de l’Europe.
Deux euros, un montant bien trop faible, selon vous
Et vous, qu’en pensez-vous ? Voyez-vous d’un bon œil ce projet de nouvelle taxe ? Nous vous avons posé la question sur Lalibre.be. Il en ressort que près de 90 % des répondants y sont favorables. Pour justifier votre réponse, vous avancez divers arguments : lutter contre la concurrence déloyale, protéger nos producteurs locaux, « faire mal à la Chine » (sic), freiner les petits achats compulsifs sur le Net, contenir la pollution environnementale que génère la fast fashion ou encore renflouer les caisses de l’État belge.
Par ailleurs, vous regrettez le montant de deux euros de cette taxe, trop faible à votre estime, dans la mesure où elle n’aurait probablement pas d’effet dissuasif. « Le montant de cette taxe devrait osciller entre 2 et 10 euros selon le type de marchandise et la fragilité du secteur au sein de l’Union européenne », suggère Frédéric. Georges, pour sa part, propose le raisonnement suivant : « Si les paquets vont de 50 à 150 euros, cela fait une valeur moyenne de 100 euros. Donc 2 euros = 2 % de taxe d’import. C’est fort peu. Pourquoi pas une taxe de 5 euros ? »
Peut-on seulement déterminer une valeur pivot à partir de laquelle cette taxe déploierait assurément ses effets ? « Non, réplique l’économiste Étienne de Callataÿ. À dire vrai, je pense qu’un pivot sera très difficile, cela dépend d’une personne à l’autre, et aussi de la valeur du bien concerné. Une taxe de 10 euros peut dissuader d’acheter un T-shirt à 8 euros, mais pas un manteau à 100 euros. Une taxe à 2 euros n’aura, pour dire, pas d’effet dissuasif. À titre de comparaison, la taxe d’embarquement dans les aéroports n’a pas freiné les départs en avion… »
Une mesure à concerter au niveau européen
À ce propos, on peut légitimement se demander quelles conséquences économiques ce projet de taxation des petits colis importés hors UE en Belgique aurait sur Liege Airport, leader européen de fret aérien en matière d’e-commerce. D’après les projections fournies par l’aéroport, ce secteur devrait représenter pour lui, en 2025, 1 milliard 400 millions de déclarations en douane, soit 30 % à 35 % du marché UE, avec des produits venant principalement de Chine.
De quoi le laisser plus que dubitatif face au projet gouvernemental de nouvelle taxe : « Imposer unilatéralement une taxe de 2 euros par colis, uniquement en Belgique, rendrait notre pays moins compétitif face à ses voisins directs et verrait les flux logistiques e-commerce se détourner vers des hubs aériens concurrents de Liege Airport comme Francfort, Cologne, Luxembourg, Amsterdam ou encore Paris-Charles de Gaulle », réagit-on dans les rangs de Liege Airport. Et d’insister : « Si l’objectif est de mieux réguler le secteur, il faut le faire au niveau européen, dans le cadre d’une réforme concertée. »
La surveillance de masse va-t-elle bientôt tous nous terrasser ?
Interrogée sur l’impact qu’une telle taxe pourrait avoir sur son chiffre d’affaires, la boutique en ligne chinoise Temu n’a pas souhaité faire de commentaire, se limitant à rappeler qu’elle « se conforme bien entendu à toutes les lois et réglementations applicables ».
Enfin, concernant la philosophie même de cette taxe, l’économiste Étienne de Callataÿ la salue et s’en explique : « Outre le coût environnemental et social lié à la production de ces colis et à leur transport, il y a le coût des services douaniers. En ne faisant pas payer les services de douane par les personnes qui les rendent nécessaires mais par toute la collectivité, on détourne des moyens budgétaires qui auraient pu avoir, eux, une vraie utilité sociale, par exemple en matière de santé publique. Ne préfère-t-on pas taxer les colis et ne pas devoir couper dans les plans ‘grand froid’ que laisser les colis non taxés et pratiquer de telles coupes ? Poser la question est y répondre », conclut-il.
Vos témoignages
Jean-Pierre :
« Oui, cette redevance devrait freiner les petits achats compulsifs réalisés sur Temu ou Shein ainsi que lafast fashion. Ce sont des manifestations d’une hyperconsommation, induite de l’extérieur, qui mettent en difficulté les producteurs et commerçants européens. Par ailleurs, cela pollue encore plus notre environnement avec des vêtements que l’on met deux, trois mois, puis que l’on jette. »
John :
« Je pense qu’il faut être plus réaliste avec la Chine et opérer des équilibrages nettement plus favorables à l’Europe. La Chine fait une concurrence déloyale à travers des systèmes déjà connus et décriés, mais nous ne faisons rien contre ces systèmes. C’est une aberration et un manque de réactivité. Les dirigeants européens sont incroyablement passifs.
En fait, si on met des droits de douane supplémentaires de deux euros, ce n’est pas la Chine qu’on pénalise mais le consommateur européen de deux euros en plus par article. Cela n’empêchera pas que de la camelote entre sur notre territoire, sans amélioration de la qualité et des normes que la Chine ne respecte pas.
Par ailleurs, ces plantureux bénéfices que la Chine fait, elle les consacre à s’armer et à devenir un état belliqueux qui terrorise ses voisins comme les Philippines, etc. Sans parler de son aide de plus en plus officielle à Moscou contre l’Ukraine. Nous nous tirons une balle dans le pied. »
Georges :
« C’est une bonne idée qui a du sens économiquement (limitation du drop shipping et dumping), écologiquement (en supposant qu’il en découle un ralentissement des transports par avion). Par contre, elle doit s’accompagner d’un renforcement des contrôles. Car les valeurs déclarées sur les waybills sont faussement basses. C’est une pratique courante chez Alibaba où je suis client.
Pour le reste, si les paquets vont de 50 à 150 euros, cela fait une valeur moyenne de 100 euros. Donc deux euros = 2 % de taxe d’import. C’est fort peu. Pourquoi pas une taxe de cinq euros ? »
Anne-Françoise :
« Oui, je suis tout à fait favorable à cette taxe. Mais deux euros, cela me semble beaucoup trop peu étant donné ce qu’il y a derrière les coûts dérisoires des produits chinois (exploitation des travailleurs, qualité, copie industrielle, sans compter la pollution liée au transport, etc.). Faisons vivre le commerce belge et européen ! »
Daniel :
« Non, le protectionnisme est une politique économique dépassée qui conduit à l’appauvrissement de tous, ce que personne ne souhaite en dehors de Donald Trump. Les produits visés sont des produits à bas prix, dont ceux qui les achètent savent – ou devraient savoir – qu’ils achètent de la mauvaise qualité et n’en auront que pour leur argent. Laissons-les poursuivre leur expérience, ils en reviendront assez vite.
En outre, les simulations d’impact sur les finances publiques sont fortement exagérées dès lors que deux euros sur des produits low cost ne sont pas une hausse marginale et que, comme à chaque fois, le public s’adaptera. Quand comprendra-t-on qu’avec le niveau de taxation globale actuel dans notre pays, on est largement au-dessus du tolérable, toutes formes confondues ? Sans même parler de l’usage laxiste qui est fait de nos impôts et taxes… »
Marc :
« Deux euros, c’est trop peu. Un minimum de 10 euros, c’est mieux. Cependant, je pense que tout ce qui veut rentrer en Europe devrait être contrôlé par la douane. Or, celle-ci n’arrive à contrôler qu’un très faible pourcentage des colis qui arrivent sur son territoire.
Le plus simple, selon moi, est de ne laisser entrer que ce qui a été effectivement contrôlé par la douane tandis que le reste – la majorité – sera traité le lendemain. Une longue file d’attente va ainsi s’accumuler jour après jour, mois après mois, dans les entrepôts, les camions et les bateaux, une file d’attente qui va finir par exaspérer ceux qui attendent depuis longtemps leur commande, exaspérer aussi les transporteurs et finalement tout bloquer. C’est ce que je souhaite. »
Cathy :
« Oui, il faut taxer les petits colis qui proviennent de l’extérieur de l’UE. Qu’est-ce que cela va apporter ? Plus d’argent dans les caisses de l’État belge qui en a grandement besoin. D’autre part, cela va décourager certains acheteurs compulsifs sur Internet : il y aura donc moins d’achats insensés à la Chine et, peut-être, plus d’achats de produits européens. Ou est-ce une utopie ? Je pense que 2 euros ne sont pas suffisants pour en décourager certains️. »
Dominique :
« Ce montant de deux euros est ridicule. Ces achats sont dévastateurs pour notre économie. En augmentant la taxe, le nombre de colis diminuera, ce qui permettrait automatiquement d’augmenter le taux de contrôles par les services douaniers et, par conséquent, de réduire encore le nombre d’achats. »
Notre questionnaire en ligne
Sur Lalibre.be, nous vous avons posé les deux questions suivantes. Le gouvernement belge veut instaurer une taxe de 2 euros sur les colis (d’une valeur de moins de 150 euros) expédiés depuis l’extérieur de l’Union européenne : est-ce une bonne ou une mauvaise idée ? Selon vous, le montant de la taxe, 2 euros, est-il suffisant ? Vous êtes un peu plus de 900 à avoir pris le temps d’y répondre.