His time is now
Passionné par les psychopathes et les losers, James Gunn est passé au modèle de vertu dans Superman. Avec Peacemaker, il retrouve ses jouets préférés, qui ressemblent beaucoup à ceux de Super : une bande d’abrutis surarmés, toutefois très attendrissants. Pour cette saison 2, il en ajoute un autre à la troupe : Langston Fleury, interprété par un Tim Meadows parfaitement casté. Les huit épisodes comportent le lot attendu de dialogues complètement cons, de pointes de méchanceté et de malaise, y compris au moment de faire intervenir le « Justice Gang ».
Mais si la galerie de personnages délirants est toujours au rendez-vous (mention spéciale à l’apparition de Michael Rooker, brève, mais mémorable), la vedette reste Christopher Smith, assassin de Rick Flag Jr. en quête de rédemption. Difficile de racheter un antagoniste aussi détestable que Peacemaker dans The Suicide Squad, pantin cynique au service du système. Mais c’est précisément le défi que s’est lancé Gunn pour ces deux saisons, et il vient de le relever.
Bon, on aurait pu faire sans le méga placement de produit pour une marque de bière
Ainsi intervient le multivers, concept tiré des comics utilisé par la concurrence comme une mécanique narrative magique pour fusionner les propriétés intellectuelles ou pire, accumuler les caméos. Si la saison comporte une ou deux surprises, Gunn n’en a pas du tout le même usage. L’univers parallèle, ici, est un moyen de confronter son héros à ses démons, de lui imposer un travail sur lui-même, épaulé par Harcourt. Le twist génial de l’épisode 6 n’est donc pas seulement un moyen de couper l’herbe sous le pied du spectateur, mais de l’investir dans cette prise de conscience.
Réponse implacable à ceux qui voudraient débarrasser leur divertissement de toute politique, son itinéraire émeut beaucoup. Il doit énormément à John Cena, qui prouve définitivement qu’il n’est pas seulement capable d’autodérision. On aurait pu être surpris d’apprendre qu’aucune saison 3 n’est prévue, le cliffhanger final introduisant plutôt Man of Tomorrow. Mais la série complète a bel et bien trouvé sa conclusion dans l’épisode 8, où Chris parvient enfin à supprimer en lui ce qu’il l’avait poussé à flinguer Rick Flag.
Lui aussi a une trajectoire… intéressante politiquementPaix intérieure
Le scénariste, qui réalise également plusieurs épisodes malgré le chantier énorme du DCU, boucle donc sa séance de psychanalyse avec brio, mais, comme auparavant, parfois au détriment de la cohérence globale. Désormais présidé par Frank Grillo, qui a bien plus à faire que quand il tapissait les décors de Superman, l’ARGUS est traité un peu aléatoirement, engageant par exemple d’évidents dissidents. L’étendue de son pouvoir est assez mal définie, jusqu’à la scène de la prison dans le dernier épisode, où il s’écroule complètement (on peut décidément tout acheter).
Des petits arrangements comme ça, il y en a plusieurs dans la série. Le générique d’ouverture, toujours aussi jouissif, fait office d’avertissement : mieux vaut ne pas trop prendre au sérieux l’intrigue générale. Ce qui compte, c’est les personnages, leurs faiblesses et leurs victoires. Ça peut paraître un peu facile, mais lesdits personnages sont si bien traités qu’on lui pardonne volontiers, qu’il s’agisse des antagonistes ou des protagonistes. À vrai dire, ils sont vraiment la raison d’être de Peacemaker.
La communication, l’arme secrète de la saison
Les gags sont pour la plupart issus des petits problèmes de nos héros, comme si l’univers résolvait intégralement autour de leurs personnalités excentriques. Même lorsqu’il réserve à un personnage ultra-secondaire une mort ultra gore, Gunn prend soin de lui accorder juste avant un petit dialogue, afin que sa perte soit à la fois drôle et… douloureuse. Ça a toujours été l’une des grandes forces du réalisateur, y compris lorsqu’il s’aventurait dans le blockbuster hollywoodien, au prix de plusieurs concessions : un amour intense pour ses personnages, quels qu’ils soient.
À l’heure où les superproductions tirées de comics ont été réduites à de vulgaires feuilletons de luxe, où les scènes post-génériques comptent plus que les héros qui les peuplent, on espère que les multiples volets du DCU resteront sur cette voie. Rien n’est moins sûr.
La saison 2 de Peacemaker est disponible en intégralité sur HBO Max depuis le 10 octobre 2025