Le soleil toulonnais est désormais bien loin. Après une expérience de trois ans du côté de Clermont-Ferrand, Anthony Belleau, 29 printemps, a traversé la Manche au début du mois de juillet pour poser ses valises dans les Midlands de l’Est, au cœur de l’Angleterre. « Je suis parti du Sud et vais de plus en plus au Nord. Je ne sais pas où je vais atterrir à la fin ! », s’en amuse l’intéressé.

Pour lui, exit les balades en bord de mer sur la côte varoise ou les randonnées dans les montagnes d’Auvergne. Avec sa conjointe toulonnaise, l’ex-ouvreur du RCT vit aujourd’hui à l’heure anglaise, à proximité de petits villages typiques de la campagne britannique déjà validés et à une heure de train du grand Londres. Car c’est à Northampton que le minot de Monflanquin a élu domicile pour la saison.

Mathieu Smaïli disputera son premier match officiel de la saison à Clermont. Photo doc Florian Escoffier

« C’était un peu un rêve »

Un pari audacieux, tant les rugbymen frenchies se font rares dans la Perfide Albion, mais qui satisfait pleinement le curieux qu’il est : « Partir à l’étranger faisait partie des choses que je voulais accomplir dans ma carrière. C’était un peu un rêve que j’avais dans un coin de ma tête depuis tout jeune. »

En fin de contrat avec l’ASM et non conservé au terme de l’exercice 2024-2025, l’occasion était trop belle. « J’ai sondé le marché pour savoir ce qui était faisable ou non. Northampton s’est manifesté avec un projet qui était évidemment très motivant, donc j’ai pris la décision de franchir le pas. »

Météo, vestiaire et Pollock

Et pour cause. Le numéro 10 ou trois-quarts centre n’est pas tombé sur n’importe quelle institution. Sacrés rois d’Angleterre en 2024 et finalistes de la dernière Champions Cup, les Saints ont le vent en poupe et débordent d’ambitions. Rapidement intégré et loin d’être dépassé dans la langue de Shakespeare, Belleau y côtoie les nouveaux joyaux de la couronne : Fin Smith, son concurrent au poste, et Henry Pollock, enfant prodige et chambreur déjà haï par la France du rugby. « C’est simplement un gamin qui découvre le rugby professionnel avec plein d’ambitions et qui a énormément d’énergie à revendre. Tout ça donne un petit cocktail explosif qui fait qu’il est ce qu’il est aujourd’hui. De l’extérieur, on a tendance à penser que l’homme est comme le joueur, alors qu’au final, c’est un super coéquipier. »

Un préconçu parmi tant d’autres, que l’ex-minot de Toulon a déjà pu démonter. Le vestiaire anglais, par exemple, est bien loin de la froideur que certains pourraient lui prêter. « L’ambiance est géniale, hyper chaleureuse, assure Belleau. On a aussi beaucoup l’image de la grisaille anglaise, mais je dois avouer que pour l’instant, hormis à la fin août où j’ai un peu pris peur, je suis agréablement surpris. On a encore de très belles journées. Bon, les mecs m’ont dit “Profite, parce qu’à partir de mi-octobre, on ne verra plus grand-chose.” Mais ça va, après être passé dans le centre de la France, je peux aller partout ! (rires) »

« Un tournant de ma carrière »

Et c’est tant mieux. Car, à Northampton, « Sir Anthony Belleau » jouit des plaisirs d’un « déracinement complet, que ce soit dans la vie de tous les jours ou sur le plan rugbystique » : « Le rugby français est plus fait d’initiatives. Le leur est davantage structuré. C’est un peu ce qui nous oppose culturellement et j’étais curieux de le découvrir. Les méthodes d’entraînement sont aussi un petit peu différentes. Après, ça reste du rugby, mais c’est dépaysant. Eux voient les choses différemment. »

Ce que tout le monde a déjà vu, en revanche, ce sont ses débuts réussis sous les couleurs noir, vert et or. En l’absence de Fin Smith, le Français a enchaîné deux titularisations sur les deux premières journées de Premiership, le championnat anglais. Et s’est à chaque fois montré décisif, que ce soit grâce à son coup de botte, quelques courses lumineuses, ou encore une pénalité de la victoire inscrite en coin dans les dernières minutes, sur le pré de Gloucester.

« Aujourd’hui, je suis un petit peu dans un tournant de ma carrière, estime l’ancien Clermontois. Si on m’avait dit il y a quelques mois que j’allais évoluer ici, je ne l’aurais pas forcément cru. Évidemment, il y a des choses du rugby français qui me manquent. Le Top 14 est tellement relevé que quand on y a goûté… Voilà. Je ne me ferme aucune porte sur les projets. »

Il aurait en effet bien tort. Sa curiosité l’a déjà propulsé dans une idylle inattendue du côté du Franklin’s Gardens, en « terre ennemie ». Et si de l’amour à la haine, il n’y a souvent qu’un pas, cela fonctionne visiblement aussi dans l’autre sens.

Si on m’avait dit il y a quelques mois que j’allais évoluer ici, je ne l’aurais pas forcément cru.

Huit ans passés dans le même club, ça marque forcément un homme. En cela, Anthony Belleau n’a évidemment rien oublié de ses années vécues à Toulon, où il possède d’ailleurs encore quelques attaches. Des moments qu’il n’échangerait « pour rien au monde » : « le RCT a fait partie de ma construction. Il aura toujours une place particulière dans mon cœur. » Et l’un des faits d’armes de l’ouvreur aura, pour sûr, toujours une place dans celui des supporters varois. Le 26 mai 2017, à la 81e minute d’une demi-finale de Top 14 accrochée contre La Rochelle, le jeune ouvreur, alors âgé de 21 ans, expédie le ballon entre les poteaux du Vélodrome de Marseille d’un drop salvateur… Mais « plus symbolique qu’autre chose ».

« En soi, il n’était absolument pas difficile à frapper techniquement. Mais ça reste aujourd’hui un symbole pour moi. Je me suis engagé à Toulon à 18 ans. Et, pour les jeunes, c’était à l’époque très dur de percer en équipe première. Ce drop était un peu à l’image de mon parcours : être ambitieux, audacieux et ne rien lâcher. La saison suivante, je devais être prêté à Agen en Pro D2. Et au fond de moi, je m’étais dit “Non, c’est impossible que je sois, quelque part, obligé de faire une petite manœuvre pour y arriver.” Un jour, j’ai dit à Mourad Boudjellal : “Écoute, je sens qu’il y a quelque chose à faire, je n’ai plus envie de partir.” Il m’avait dit : “On va voir ce qu’on peut faire.” Et donc voilà, ce drop a été un peu le détonateur. Mais le travail était déjà fait. C’était plus le symbole qui a montré que je n’avais pas baissé les bras et que j’avais continué à travailler pour réaliser mon rêve. »

Si on m’avait dit il y a quelques mois que j’allais évoluer ici, je ne l’aurais pas forcément cru.

Mathieu Smaïli disputera son premier match officiel de la saison à Clermont. Photo doc Florian Escoffier