Des milliers de Polonais ont manifesté ce samedi 11 octobre à Varsovie contre « l’immigration illégale » et la politique migratoire européenne, répondant à l’appel du principal parti d’opposition, Droit et justice (PiS), soutien du président nationaliste Karol Nawrocki, ont constaté des journalistes.

Les manifestants se sont rassemblés à 14 heures (12 heures GMT) sur la place du Château, dans la vieille ville prisée des touristes, sous une pluie tenace. Beaucoup étaient venus en car de province, arborant des drapeaux bleu et blanc ou frappés de l’aigle blanc, symbole de la nation polonaise.

Wieslawa Najdek, une retraitée de 64 ans, a déclaré : « J’observe ce qui se passe à l’Ouest, j’ai deux enfants qui vivent en Allemagne et je vois le danger qui y règne et son impact sur l’identité des Allemands. Les Allemands se sentent désormais minoritaires dans leur propre pays. » Les enquêtes d’opinion montrent qu’une large majorité de Polonais défendent un resserrement de la politique migratoire et voient d’un œil de moins en moins bienveillant les réfugiés ukrainiens, y compris chez les électeurs de la coalition gouvernementale pro-UE dirigée par Donald Tusk.

L’exécutif polonais n’en est pas moins entré en cohabitation cet été après l’élection de Karol Nawrocki à la présidence face à Rafal Trzaskowski, maire de la capitale et candidat de la coalition centriste.

L’immigration, un sujet qui divise au sommet de l’État

Le chef de l’État et le gouvernement se heurtent sur la diplomatie, le soutien à l’Ukraine ou encore les réformes, jugées antilibérales par Bruxelles, engagées par le PiS, au pouvoir entre 2015 et 2023. Sur l’immigration, les deux camps se renvoient la balle. Karol Nawrocki et le PiS dénoncent en particulier le pacte migratoire européen adopté l’an dernier (la Pologne et la Hongrie ont voté contre), qui prévoit la relocalisation de dizaines de milliers de personnes depuis les pays de l’UE dits « de première ligne », par lesquels entrent la majorité des migrants, vers d’autres États invités à faire preuve de solidarité.

L’écrasante majorité des Polonais, toutes tendances politiques confondues, s’opposent à la relocalisation forcée des migrants en Pologne »

Le président polonais a adressé une lettre en ce sens cette semaine à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans laquelle il estime que son pays, où réside actuellement environ un million de réfugiés ukrainiens ayant fui l’invasion russe en 2022, a pris sa part.

« L’écrasante majorité des Polonais, toutes tendances politiques confondues, s’opposent à la relocalisation forcée des migrants en Pologne », prévient-il. « Je ne consentirai pas à la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile en Pologne. » Un courrier salué par le président hongrois Viktor Orban, proche du Kremlin, opposé à toute aide militaire à l’Ukraine, et en conflit ouvert avec Bruxelles sur l’État de droit. « L’Europe bouge : le président Nawrocki refuse d’appliquer le Pacte migratoire en Pologne », s’est-il réjoui sur X. « Nous refusons aussi. Maintenant nous sommes deux. Si un troisième nous rejoint, ce sera déjà une rébellion. »

Dans une publication sur X publiée peu avant la manifestation, le Premier ministre Donald Tusk a assuré que la Pologne ne serait pas concernée par les relocalisations prévues dans le pacte migratoire. La Commission de Bruxelles doit détailler ses plans le 15 octobre.

Tusk contre-attaque : qui a vraiment ouvert les portes de la Pologne ?

Opposé lui aussi à l’accueil de nouveaux réfugiés, Donald Tusk a ironisé en rappelant que la Pologne avait accordé un nombre record de permis de séjour sous les gouvernements dirigés par le PiS entre 2015 et 2023. Il a tenu Jaroslaw Kaczynski, président du parti depuis 2003 et promoteur de la manifestation de samedi, comptable de ces statistiques. « Seul Jaroslaw Kaczynski est capable d’attirer un nombre record de migrants en Pologne et d’appeler ensuite à des manifestations contre l’immigration », a-t-il écrit sur X.

Selon Eurostat en effet, la Pologne a accordé 6 millions de permis de séjour entre 2015 et 2023, l’Allemagne 4,3 millions et la France 2,4 millions. En 2024, Varsovie en a délivré près de 489 000, le 3e plus haut chiffre de l’UE après l’Espagne et l’Allemagne, mais le plus bas pour la Pologne depuis 2014.