« La réduction du niveau d’erreur est une évolution positive, mais les irrégularités de dépenses du budget européen restent encore trop nombreuses », a déclaré Tony Murphy, le président de la Cour. « Cette situation est imputable aux faiblesses persistantes des structures de surveillance et de reddition des comptes. Alors que s’esquisse le budget européen à long terme pour l’après-2027, les décideurs politiques doivent tirer les leçons de nos conclusions pour garantir la viabilité et la transparence des futurs budgets de l’UE.
La Cour des comptes européenne salue une amélioration notable dans la gestion des finances de l’Union, tout en rappelant que la vigilance reste de mise. Dans son rapport annuel 2024, l’institution basée à Luxembourg valide la fiabilité des comptes et la régularité des recettes, mais émet une opinion défavorable sur les dépenses et une opinion « avec réserve » sur la Facilité pour la reprise et la résilience, le cœur du plan de relance post-Covid.
Si le taux d’erreur estimatif recule à 3,6 %, contre 5,6 % un an plus tôt, il demeure supérieur au seuil de signification de 2 % qui distingue les irrégularités isolées des problèmes systémiques. Les auditeurs européens pointent les mêmes fragilités que les années précédentes : des erreurs concentrées dans les politiques de cohésion et agricoles, là où les règles sont les plus complexes et les contrôles les plus lourds. La majorité des écarts identifiés relèvent de coûts inéligibles, de marchés publics non conformes ou de défaillances administratives dans les États membres. La Cour souligne que ces erreurs ne traduisent pas une fraude, mais une non-conformité aux règles financières de l’Union. Dix-neuf cas ont toutefois été transmis à l’Office européen de lutte antifraude, dont six font l’objet d’enquêtes, et sept au Parquet européen.
La charge de la dette supérieure à 30 milliards d’euros
La situation du plan de relance, financé par la dette commune, illustre la prudence du diagnostic. Sur les 28 paiements examinés, six ne respectaient pas les critères fixés. Certains jalons et cibles ont été mal définis, rendant l’évaluation de la performance difficile. La Cour admet la spécificité de cet instrument, fondé sur la réalisation d’objectifs plutôt que sur le remboursement de dépenses réelles, mais souligne les limites de contrôle d’un dispositif encore jeune. En 2024, la Facilité a représenté près de 60 milliards d’euros de paiements, soit environ un quart des dépenses totales de l’Union.
L’exécution budgétaire globale reste maîtrisée, mais tendue. Les paiements atteignent 247 milliards d’euros en 2024, dont 191 milliards issus du budget traditionnel. Les engagements restant à liquider s’élèvent à 507 milliards, un volume élevé qui traduit la lenteur d’absorption des fonds du cadre 2021–2027. Dans le même temps, la dette commune issue du plan NextGenerationEU s’alourdit : elle atteint déjà 578 milliards d’euros et devrait dépasser 900 milliards en 2027. La charge d’intérêts prévue sur la période 2021–2027 excède désormais 30 milliards d’euros, soit plus du double des prévisions initiales, en raison du niveau durablement élevé des taux.
Pour la Cour, ces chiffres confirment une double réalité : l’Union européenne progresse vers une gestion plus rigoureuse, mais ses finances se complexifient et se fragilisent à mesure que l’endettement s’installe. Les auditeurs invitent la Commission à améliorer la traçabilité des paiements, à renforcer la qualité des données de performance et à anticiper les coûts futurs de la dette. Ils recommandent aussi de simplifier les règles afin de réduire les erreurs sans affaiblir les contrôles.
Le Luxembourg, siège de la Cour depuis 1977, se trouve à la fois observateur et concerné. Le pays présente un profil de gestion stable, avec un faible taux d’erreur et une absorption modérée des fonds européens, mais il partage les difficultés communes de mise en œuvre administrative.