Ils n’avaient jamais été aussi nombreux. Plus d’un millier de personnes ont manifesté samedi dans l’Oise à l’appel de collectifs écologistes pour appeler à « stopper le chantier » du canal Seine-Nord Europe, qui doit relier le bassin de la Seine aux grands ports du nord de l’Europe d’ici une dizaine d’années.

La manifestation, première mobilisation d’une telle ampleur contre ce canal, s’est tenue à l’initiative de plusieurs collectifs dont Les Soulèvements de la Seine (une ramification des Soulèvements de la Terre), Extinction Rebellion et Mega Canal Non Merci. Elle a rassemblé « plus de 2 000 personnes » selon les manifestants et « un millier » selon la préfecture.

Deux interpellations samedi

Un important dispositif de forces de l’ordre a encadré la marche, qui s’est déroulée dans le calme et en musique, avec fanfare et libellules géantes. Deux personnes ont été interpellées et placées en garde à vue à l’issue du rassemblement, l’une pour port d’arme prohibé et l’autre pour dégradation de la voie publique, a indiqué la préfecture.

Une trentaine de militants a sauté à l’eau pour traverser symboliquement le canal latéral à l’Oise et mettre le pied au bord du chantier de la future écluse de Montmacq pour y afficher brièvement une banderole dénonçant le coût du projet.

C’est quoi le canal Seine-Nord Europe ?

Le canal Seine-Nord Europe, dont les travaux d’infrastructure ont commencé en 2022, est un projet gigantesque visant à doper le transport fluvial de marchandises entre le bassin parisien et les grands ports de la mer du Nord à partir des années 2030.

Ses promoteurs vantent une « solution écologique » qui réduirait considérablement le recours au transport routier, tandis que ses opposants le considèrent comme un projet ruineux, inutile et « destructeur » de zones naturelles et agricoles.

107 kilomètres de long, 54 mètres de large

Le canal prévu entre Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord) doit faire 107 km de long pour 54 mètres de large : de quoi faire circuler des péniches à grand gabarit mesurant jusqu’à 185 mètres de long, capables de transporter jusqu’à 4 400 tonnes de marchandises chacune, soit l’équivalent de 220 camions.

Cela permettrait de créer une véritable autoroute fluviale entre la Seine et l’Escaut, qui mène au grand port de marchandises d’Anvers en Belgique, lui-même relié à celui de Rotterdam aux Pays-Bas.

Pourquoi les opposants se mobilisent-ils ?

« On cherche à montrer l’absurdité du projet », qui n’est « pas viable économiquement », a estimé un militant des Soulèvements de la Terre, Valentin. Il plaide pour « réinvestir dans le Canal du Nord et investir dans le frêt ferroviaire » au lieu de construire un nouveau canal qui pourrait coûter jusque 10 milliards d’euros selon eux.

Pour l’élue écologiste Sandrine Rousseau, présente à la manifestation, « ce n’est pas un projet écologique quand on fait tout pour bétonner ». Elle a appelé à des politiques publiques encourageant une consommation raisonnée et locale, et non des projets qui profitent à des importations venues « de l’autre bout du monde ».

Agnès Ducharne, hydrologue chercheuse au CNRS, a manifesté car le canal, dont le chantier a débuté en 2022, est selon elle « un projet nuisible », « du siècle passé ».

Son coût prévisionnel a été estimé en 2019 à 5 milliards d’euros, financés par l’État, des collectivités locales et des fonds européens, un budget qui devrait être révisé en nette hausse.

Les opposants dénoncent aussi un « désastre environnemental », lié à l’artificialisation de « 3 200 hectares de terres agricoles », « 300 espèces protégées » menacées, ou encore une importante retenue d’eau, le tout compensé par des mesures jugées « illusoires ».