La violente crise politique à Madagascar est-elle en train de basculer ? La question se pose alors que des soldats ont rejoint samedi les milliers de manifestants dans les rues de la capitale Antananarivo. Ces militaires appellent les forces de sécurité à « refuser les ordres de tirer » sur la population et condamnent la répression policière.
La manifestation de samedi à Antananarivo a été l’une des plus importantes depuis le début de la contestation le 25 septembre, lancée par le mouvement Gen Z pour protester contre les coupures d’eau et d’électricité et qui s’est mutée en une remise en cause du pouvoir du président Andry Rajoelina.
Le président ne quitte pas le pays
Samedi soir, le nouveau Premier ministre Ruphin Zafisambo a assuré que le gouvernement, « qui se maintient fermement », était « prêt à collaborer et à écouter toutes les forces : les jeunes, les syndicats et l’armée ». « Madagascar ne pourra pas résister à d’autres crises si cette division entre les citoyens persiste », a poursuivi le général dans un bref discours filmé.
De son côté, la présidence a publié un communiqué assurant que le président « reste dans le pays » et « continue de gérer les affaires nationales ».
La police a fait usage samedi de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes pour disperser plusieurs milliers de manifestants. Une partie des policiers sont partis lorsque des soldats ont pénétré dans la ville dans des véhicules militaires, certains agitant des drapeaux malgaches, et ont rejoint la foule dans la rue.
Une unité déjà cruciale en 2009
Le départ de la police a permis à la foule de rejoindre la Place du 13 mai, devant l’hôtel de ville d’Antananarivo. Sur place, le colonel Michael Randrianirina, du CAPSAT (Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques) a déclaré que la police avait tiré sur ses soldats, touchant un militaire et un journaliste. « Le journaliste a été touché à la fesse, tandis que le soldat est décédé ». « À tous ceux qui ont envoyé les gendarmes ici, à commencer par le chef de la gendarmerie, le Premier ministre, le président […] Ils doivent quitter le pouvoir », a-t-il ajouté.
Avant de quitter leur base militaire en périphérie d’Antananarivo, les soldats du CAPSAT avaient appelé à la désobéissance. « Unissons nos forces, militaires, gendarmes et policiers, et refusons d’être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs », ont-ils déclaré dans une vidéo. En 2009, cette base avait déjà mené une mutinerie lors du soulèvement populaire qui avait porté au pouvoir l’actuel président.
Après avoir adopté au début un ton conciliant, puis renvoyé son gouvernement en réponse aux manifestations, Andry Rajoelina a nettement durci le ton, nommant un militaire comme Premier ministre le 6 octobre ainsi que seulement trois nouveaux ministres jusqu’ici, tous issus des forces de sécurité : ceux des Armées, de la Sécurité publique et de la Gendarmerie.