Par

Emilie Salabelle

Publié le

23 avr. 2025 à 6h12

« Pas encore généralisée, pas encore banalisée, mais déjà très présente. » À Paris, la climatisation fait son chemin. Dans les tours de bureaux, les commerces en rez-de-chaussée, aux fenêtres des logements ou sur les toits… Face aux canicules à répétition, nombreux sont ceux qui voient dans l’appareil de climatisation la solution incontournable, en témoigne l’explosion des ventes en France. Mais ce choix est lourd de conséquences. Dans le premier volet d’une étude consacrée à ce sujet, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) travaille à recenser le phénomène et objectiver les nuisances liées à ces « demandes de froid » en expansion, qui aggravent le phénomène des îlots de chaleur urbains. Paris est-il voué à se transformer en nid à « clim », à l’instar de New York, Rio de Janeiro ou Séville ?

Faire face aux nuits tropicales

D’après Météo-France, les Parisiens devront supporter 40 nuits tropicales (lorsque la température ne descend pas sous les 20 °C) par an à la fin du siècle contre 6 à la fin du XXe siècle. Pour faire face à la chaleur étouffante, au travail comme à la maison, l’usage de la clim s’impose comme une solution incontournable.

D’après le PLU bioclimatique de la Ville de Paris, « le confort d’été doit être recherché prioritairement au moyen de dispositifs passifs. Le cas échéant, le recours complémentaire à un système de production de froid doit intervenir prioritairement par raccordement au réseau de froid urbain. En cas d’impossibilité technique, il est possible de recourir à d’autres systèmes de climatisation collectifs ».

Et c’est bien souvent vers ce choix que s’orientent les Parisiens. Différents types de « clim » se développent à Paris. La plus institutionnalisée est celle des immeubles de bureaux, devenue la norme dans les constructions neuves. « Un bâtiment de bureau neuf qui serait mis sur le marché sans climatisation est jugé aujourd’hui inconcevable », note l’Apur.

Mais ce n’est pas la seule. Nombre de particuliers se tournent également vers les climatiseurs mobiles disponibles en magasin de bricolage, parfaits pour de petits volumes comme un studio ou un local commercial.

Des bureaux aux petits studios

Dans les faits, difficile d’estimer l’ampleur réelle du recours au refroidissement dans la capitale, précise l’étude. « Les bâtiments appartenant au secteur tertiaire sont vraisemblablement fortement climatisés, notamment les bâtiments ayant été conçus ou rénovés après la Seconde guerre mondiale. C’est notamment le cas des bureaux, des hôpitaux, des musées, des cinémas, des centres commerciaux, etc », estime l’Apur. Ces systèmes sont généralement invisibles, car installés sur les toits, ou « parce que les bâtiments sont reliés au réseau de froid urbain « Fraîcheur de Paris », ce qui les dispense d’installations extérieures aux édifices ».

Le réchauffement climatique pousse les Parisiens à ajouter des systèmes de refroidissement sur des bâtiments qui n’ont pas été conçus pour. On parle alors de climatisation centralisée, greffée au bord des fenêtres des logements par exemple. Les climatiseurs les plus visibles sont ceux des petits commerces, installés sur la rue ou dans les cours d’immeubles. Quant aux logements, ils sont encore dans l’ensemble « peu climatisés », mais la tendance est à la hausse, dresse le rapport. Pour les logements de dernier étage, sous les toits, il est vraisemblable que nombre de ces installations se fassent de façon informelle sans demande d’autorisation d’urbanisme auprès de la direction de l’urbanisme de la Ville de Paris ni même des copropriétés ».

Les effets pervers de la climatisation

Or, la « clim » a plusieurs effets pervers : consommation d’électricité, renforcement de l’effet de serre avec la perte de fluides frigorigènes (de puissants gaz à effet de serre), nuisances liées aux bruits de moteurs – les plaintes concernant les nuisances sonores et olfactives explosent d’ailleurs lors des périodes de forte chaleur –, et enfin, émission de chaleur à l’extérieur des bâtiments. Les installations individuelles sont celles qui cumulent le plus d’inconvénients : plus visibles, et moins efficaces, elles rejettent de l’air chaud directement dans la rue lorsqu’elles ont en rez-de-chaussée.

Des rejets particulièrement complexes à évacuer dans des villes denses, dont la configuration ressemble à un piège de chaleur. « Dans une rue où il ferait 30 °C, un climatiseur d’un local à rez-de-chaussée peut rejeter de l’air à 50 °C voire plus », indique l’étude. Double peine pour les piétons, mais aussi les habitants des étages supérieurs qui ne peuvent plus ventiler leurs logements.

Dans sa modélisation des rejets de chaleur à Paris, l’Apur identifie des secteurs clés, liés notamment aux grands pôles tertiaires : quartier central des affaires entre Porte Maillot et le Louvre, Montparnasse, Balard, Gare de l’Est, porte des Lilas…

L'Apur a cartographié les rejets de chaleur liés à l'usage de la climatisation à Paris.
L’Apur a cartographié les rejets de chaleur liés à l’usage de la climatisation à Paris. (© Apur – 2024)

Dans les quartiers desservis par le réseau de froid urbain parisien, les rejets de chaleur tendent à s’effacer. « C’est en particulier notable dans le secteur de l’avenue de France [Paris 13e, ndlr] qui ressort peu sur la carte alors que la densité de bureaux y est très forte », note l’Apur.

Pour éviter de voir un climatiseur greffé à chaque fenêtre de Paris, comme c’est le cas dans d’autres capitales mondiales, l’Apur préconise d’aménager au mieux les bâtiments (installation de volets, préservation des cours et cheminées pour une meilleure ventilation…). Quand elle est inévitable, la climatisation doit être au maximum « décentralisée », c’est-à-dire raccordée au réseau de froid de la Ville de Paris.

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